Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

mercredi 27 avril 2011

132.2

La coquille très fine, à cet endroit du coquillage renversé, échoué, de sorte que je ne saurais dire s'il s'agit ou non de son sommet, n'a pas résisté à nos regards. Nous pouvions faire le tour aussi rapidement que nous ne le souhaitions, aux risques et périls de notre équilibre, mais, au fond, nous l'avions perdu depuis bien longtemps, notre équilibre, alors cela n'avait pas trop d'importance. Et puis Ulysse avait le pied marin, je ne crois pas que le vent aurait pu le déséquilibrer si facilement que cela.

Alors il fallut bien regarder. En bas. Alentour. Autour de nous. Regarder. Le monde bien au-dessous de nos pieds se déroulait, en bas, tout en bas, comme une carte de GoogleMaps, mais imprécise et brumeuse. Après tout, quand on a besoin de vérifier que quelqu'un, qu'on vient de rencontrer, existe bien, qu'il ne sort pas tout à fait de notre imagination, on le Google-ise, me semble-t-il (bien que je ne sois pas certaine de la forme ni de la conjugaison de ce verbe nouveau) et on cherche dans les repères secrets de son iPhone où on a été ces derniers temps. Je ne sais plus où je suis. Alors je me triangule avec quelques satellites qui croisent au dessus de ma tête et qui m'assurent que je ne suis pas perdue. Et je m'évite la panique lorsque mon gps cesse de me dire que je suis bien ma route, que c'est bien ma route que je suis.

Et tout en bas, le monde se déroulait à plat comme une photographie de Google Maps. Mais il était moins précis. Assurément moins précis. Les contours se perdaient un peu. S'estompaient. Je ne retrouvais pas cette assurance du monde qu'il y a dans les photos parfaites qu'on peut en trouver. Il y avait la brume, la marée qui, montante, allait l'effacer. Il n'y avait, du monde, presque rien, un dédale sinusoïdal entre les rochers rougeoyants et le trait clair souligné de vert de la chaussée d'accès au phare. Et l'océan dont je ne suis sûre qu'il n'échappe pas autant qu'il est possible à ces représentations.

Parce que, de l'océan, il me faut l'odeur et les embruns sinon je n'en ai rien. Les odeurs du monde manque sur les images lisses et photographiques.

Je me demandais ce qu'aurait donné sur Google Maps, la nuée des étoiles de mer en galaxie enroulée, éparpillée. J'en attendais la cartographie avant la nouvelle marée montante avec une impatience que je ne maitrisais pas. Mais Ulysse ici regardait tout autour de lui et non pas à ses pieds, et je décidais, moi aussi, de laisser faire le vent qui, dans mes cheveux, insistait et mélangeait tout. Il n'y avait que cela à faire, plein vent, plein soleil, brûler et oublier, la brûlure et l'oubli, la brûlure de l'oubli, morsure de la mémoire, à choisir je préférerais la légèreté, si elle est encore possible, si, à travers la très fine ouverture de cette coquille claire et pâle au sommet de laquelle Ulysse m'avait emmenée, elle peut redevenir possible.

Il fallait, ici, s'enivrer de vent.

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