Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

dimanche 24 avril 2011

L'∞, 131

C'est la même chose, alors, qu'en regardant la mer. Je veux dire : le déroulé de la mer. On pourrait rester là, assis, des heures, durant, à regarder le déroulé de la mer. Et si on reste des heures durant à regarder le déroulé de la mer, on peut même faire cesser en soi le déroulement des phrases. On peut imaginer l'arrêter, on peut imaginer parvenir à cette langue de silence, telle une langue de sable au creux de la conscience, celle sur laquelle les vagues effacent toute trace, toute chose, celle sur laquelle les vagues effacent toute trace de toute chose. On peut donc accéder à la plage de silence qui émerge dans le langage, et qui est précisément, exactement, ce que nos phrases tentent de dire, à quoi elles se heurtent, sur quoi elles viennent se briser.

Silence, au centre de nous-même, autour de quoi toutes nos phrases ne cessent pas un instant de s'enrouler.

J'ai fini, dans la spirale double et hypnotique de cet escalier, doublement hypnotique (on la croit ouverte et ciselée dans la pierre et elle ne saurait être plus trompeusement retorse), j'ai fini, en suivant Ulysse pas à pas, un pas et puis un autre, un pas, encore un autre, et ainsi de suite, sans plus penser à rien, j'ai fini, aussi improbable que cela puisse paraitre, aussi invraisemblable que cela soit, vraiment, ne pas être crue m'est indifférent, je n'y prendrai pas garde, je ne m'en soucie pas, j'ai fini, personne ne pourra l'entendre, par atteindre cette minuscule plage de silence, découverte à marée basse.

Vagues et creux, la conscience s'est découverte à elle-même. Pieds nus sur le sable, elle s'est découverte. Elle est apparue peu à peu, exactement selon le mouvement par lequel la mer, à marée descendante, peu à peu, et en revenant, peu à peu, non sans hésiter, regretter, revenir sur ses propres traces, effacer, reprendre, repentir, retentissant, la mer à marée descendante, selon le mouvement très général que soudain elle marquera brusquement, de quelques vagues décisives, en effet, descend et découvre la plage immense.

Vagues. Décisives. La décision du vague. Décision décisive, la dérive radicale et obstinée. Décision incisive. Instance du désir dans le monde. Je désire aller là. Je ne sais pas où. Mais c'est là que je veux aller. Là où mon ombre sur le sol ∞ment pourra s'allonger, au crépuscule, sans que je sente, en moi, le froid remonter vers mon cœur.

- Où est Ithaque ?
- Je n'en sais rien.
- Je te suis.
- Tu as tort, tout autant que tu as raison.
- Je te suis.

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