Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

lundi 25 avril 2011

L'∞, 132

- Au point où nous en sommes, tu ne peux plus reculer.
- Toi non plus.
- Non.
- Alors on est pareils, toi et moi.

Les mots me brûlaient les lèvres presque autant que le sel. Au point où j'en suis, je ne peux plus reculer. Et lui non plus. Le sel brûle mes lèvres presque autant que les mots qui s'en échappent. Les mordre jusqu'au sang cette fois ne suffira pas, même si cela pourrait encore une fois paraître une échappatoire tentante. Alors il faut bien parler. Il faut bien que les mots sortent. Les uns après les autres. Presque tous en même temps.

Crever la surface fine et lisse de silence, celle qui nous enserre.

Une autre. Il y a plusieurs silences, plusieurs qualités différentes du silence. Il ne se suspend pas de la même manière entre les êtres. Ni dans les phrases. Il y a plusieurs silences. Ce silence sidéral autour duquel toutes nos phrases s'agrègent comme des galaxies. Autour duquel elles s'enroulent comme les queues des galaxies. Et puis il y a, ailleurs, autrement, ce silence froid et lisse qui peu à peu nous immobilise. Un autre. Un silence autre. Froid. Pesant. Qui arrête les mots sur nos lèvres et les laisse là, et nous laisse seuls, tout à notre brulure dévorante.

Alors, quand bien même on pourrait en craindre toutes les formes possibles de l'échec, toutes les métamorphoses risibles de nos impossibilités, et les entorses, et les pas mal assurés, et les anamorphoses grotesques, il faut tenter de le percer de le transpercer de passer outre. Passer outre lui. Extravagance. Transgression. Extravagance transgressive. Tout à la fois et rien de tout cela ne suffira. Ne saura suffire.

-Alors voilà, je termine.
- Vas-y.
- Oui, j'y vais, un instant.

Quand nous avons percé la très fine coquille au sommet de laquelle nous étions parvenus, et que le vent et le soleil et le bruit des vagues tout ensemble se sont mêlés et m'ont heurtée de plein front, j'ai eu peur de vaciller de retomber en arrière, dans ce silence immobile, et que le langage contre lui ne suffise plus. Alors j'ai compris qu'il fallait tenter une polyphonie. Mêler ma voix à autre qu'elle. Ce serait la seule façon de commencer à parler de nouveau.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire