Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

dimanche 10 avril 2011

L'∞, 104

Je cherche un rythme. Une pulsation. Tout est là, dans la pulsation.

Quand il s'est approché, en silence, les vibrations provoquées par ses pas se sont transmises très fidèlement à la pierre tiède qui, fidèlement à son tour, en a informé toutes les fibres de mon corps, jusqu'à ce que je sente, sur moi, l'ombre de sa présence, opaque et ciselée. Je savais sa présence, avant même d'ouvrir les yeux. Je pouvais, en gardant les yeux fermés, à travers l'opacité de mes paupières, le savoir là. Tout à proximité de moi. Aucun doute ne venait entraver cette impression, paupières fermées.

Ce pourrait être un nouvel exercice, éviter les freins, les frontières, les négations, les obstacles. Ce pourrait être un nouvel exercice. Oublier le je autrefois, n'a pas suffi. A montré ses limites. S'est montré inexact. Oublier les négations qui sont autant de déterminations et qui nous fixent et nous clouent au sol, pantelants. Immobiles.

Je cherche un rythme, une pulsation.

Des phrases et de l'avancée à la surface du monde, c'est tout un. C'est la même question qui me tourne en tête. Qui sans cesse, comme un refrain, comme un air trop connu, revient en ma mémoire. Du rythme de mes phrases, du rythme de tes pas. Dans le vent d'autrefois tu tenais ma main, et nous avancions ainsi, plein vent de face, à la recherche de ces ruines splendides qu'absolument tu voulais voir. Le sentier était minuscule, incertain, sous nos pas, des pierres roulaient beaucoup plus bas, beaucoup plus loin, il y avait toute la montagne autour de nous, abrupte, se découpant sur le ciel bleu, sèche, elle paraît si loin dans ma mémoire, je ne comprends même pas comment ainsi, j'ai pu la laisser s'éloigner dans le temps, peut-être n'y suis-je pour rien, peut-être était-il impossible de la retenir, le soleil et le vent se mêlaient contre nous, et tu tenais ma main, j'avançais un peu en retrait, tu ouvrais le chemin, et le monde, et les possibles, et tes pas donnaient la pulsation.

Je n'y ai pas pris garde, les possibles se sont refermés peu à peu, et ce sentier à présent serpente très loin dans ma mémoire. Je croyais en l'éternité, à cette époque. Je me souviens encore de l'impression que cela fait, de croire en l'éternité, et parfois elle vient me réveiller au creux de la nuit. Maintenant, je crois que je pourrais être contente de simplement rouler entre mes doigts un peu de fenouil sauvage et de m'endormir en sentant sur ma main l'odeur de ces lointains.

Il me faut un rythme, une pulsation.

Ils se sont perdus, sans doute, au fur et à mesure, j'ai perdu la pulsation, la mesure, au ur et à mesure, je les ai perdus, c'est ma faute, mais cela n'importe pas, je les ai perdus dans quelque gare traversée d'un vent glacial un soir d'hiver, sur un quai, en attendait la formation du train 6111 ou quelque chose comme ça, en provenance de et à destination de, qui rencontrait quelque problème technique. Que reste-t-il à faire que je n'ai pas tenté encore, avant de partir entièrement à la dérive ? Je ne vois pas. Alors il n'y a plus rien d'autre à faire, c'est ma dernière chance, de retrouver la pulsation initiale.

Il n'y a plus à hésiter.

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