Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

dimanche 3 avril 2011

L'∞, 90

— Qu'est-ce qu'on fait, maintenant ?
— Je sais pas. On redescend ?

Redescendre. Vers la mer. Avancer. Marcher. Avancer. Repartir. Fuir l'immobilité. Avancer, mais dans quoi ? Dans mes pensées, dans le monde ? Avancer, mais comment ? Un pas puis l'autre, une phrase puis l'autre. Déplacer les lignes. Déplacer les possibles. Faire reculer la ligne d'horizon. Un pas en avant. Fuir. Fuir l'immobilité. Penser à ça, les jambes ballantes, assise sur le rebord du parapet, en aplomb, la ville, la mer et tous les chemins possibles.

— On y va ?
— Oui.

Avancer dans le monde. Je tiens un fil. La main d'Ulysse. Il n'est plus dans les brumes de Circé. Il est là. Dans le monde. Où est-il ? Exactement dans le même monde que moi ? Ou suspendu, autre, dans un espace, autre ? Superposition des scènes, des clichés des images. Un pas puis l'autre. Le rythme de la marche. En transparences superposées. Je sais, mon regard est voilé. Trouble tremblé. Un pas puis l'autre. Je marche derrière toi. Tu marches un peu plus vite. Un pas puis l'autre, mes pas dans les tiens, attends moi, ma main dans la tienne.

La marche, le rythme, ça peut suffire, un pas puis l'autre, le rythme se déroule, se déploie, tes pas sur le chemin, se suivent, les miens les suivent, tu dis quelques mots, parfois, ils tombent à la surface du monde, ils forment, dans ma conscience, une onde qui s'éloigne circulairement, ∞ment… ça peut suffire, ça peut suffire des heures durant et la mer n'est pas si loin. Mes rêveries se déploient, de nouveau. Il me semble que ma respiration est plus ample et que les possibles s'agrandissent…

— On passe par où ?
— ça m'est égal, par là, non ?

Voir. Voir le monde. Voir la mer. Que mes yeux s'imprègnent du monde, que le monde s'imprime sur ma rétine, sur ce film presque photographique, fragile, précieux que j'imagine derrière ma pupille, cercle noir, fermé autant qu'il est possible sous l'effet du soleil qui inonde tout, à présent, qu'il y signe sa présence, que je sois sûre de lui, sûre de ce moment, un pas puis l'autre, derrière toi, diastole systole…

— Avance, je te suis !
— Qu'est-ce que tu dis ?
- Avance, m'attends pas, j'arrive !
— Mais non, je t'attends, qu'est-ce que tu fais ?
— Une photo …
— Encore ! Avec cette lumière ?

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