Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

vendredi 22 avril 2011

L'∞, 128

Je n'avais aucune certitude que, de là, dans cette vire ∞e, enroulée sur elle-même, les mots ne retomberaient pas dans le silence de l'oubli. Il n'était pas possible d'en avoir la moindre certitude tiède au creux de nos consciences. Il était tout à fait possible que, durant cet enroulement lent autour du vide, nous laissions tomber quelque mot, quelque parole, et qu'elle ne trouve pas d'autre cheminement possible dans le lieu que la chute, verticale et indifférente. Parfaitement verticale. Parfaitement indifférente. Chute. Les mots, à travers l'espace, se révèlent incapables de trouver la consicence, d'accéder à elle. De la traverser d'échos intermittents. Alors, dans le vide d interstitiel qui transperce notre monde de part en part, ils s'abiment. Infailliblement.

J'imagine que si, de la semelle d'Ulysse, un caillou minuscule aux bords irréguliers s'était soudain détaché, selon le mouvement inverse par lequel il s'était incrusté, il aurait pu rouler ∞ment dans cet escalier, marche après marche rebondissant, enroulant rêveusement sa chute, dans un étrange ralenti, autour de la vis sans fin dont nous entreprenions, Ulysse et moi, de trouver le sommet. Je l'aurais vu alors rebondir dans l'espace, sans d'ailleurs que je cherche à l'arrêter, je l'aurais vu passer à ma hauteur, et rebondir encore, sans fin, sans espoir que sa chute un moment trouve un terme.

Je suis bien obligée de penser que nous ne redescendrons pas ainsi, que nous ne redescendrons pas indifféremment cet escalier en colimaçon, et qu'il nous faudra nous jeter dans le vide, sans autre issue que ce même vide que nous remontons patiemment, jusqu'à l'épuisement de notre souffle, et de nos rêves, et de notre mémoire. Nous remontons le cours de nous-même et de notre conscience, jusqu'à l'épuisement de tout ce que nous avons été dans un autrefois aboli.

Mon unique espoir, pour dire le vrai, est d'y trouver cette zone de silence qui se dépose au creux des phrases, comme un haut-fond affleurant à peine, que seule indique l'écume effervescente et aérienne des vagues lorsque soudain, sur elles-mêmes, elles se retournent et retombent, avant de reprendre leur course vers le rivage étal. Au creux du monde, parfois, on accède tout à fait par hasard à cette zone de silence où toutes nos phrases vont puiser leur vérité, en écho à ce manque nous portons tous au creux de nous-mêmes, et que nous laissons résonner, plus ou moins vastement, dans le secret de nos consciences. C'est cela seul que j'écoute, dans toute phrase, comme un coquillage vide que la mer un instant a rejeté sur le sable habitué aux tempêtes.

Mon attente repose là, unique et incertaine. Me reposer dans un lieu devenu silencieux tant les échos y pourraient être puissants et ravageurs.

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