Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

mardi 3 mai 2011

L'∞, 135

Le passé se replia en spirale.

Nous avons remis nos pas dans les nôtres, retrouvé les traces de nous, enfilé les instants dans une symétrie parfaite à partir du sommet de ce coquillage monumental dans lequel Ulysse nous avait entraînés. Ce fut comme un point de symétrie spatiale et temporelle entre les pas de l'aller, les pas du retour, boustrophedon parfait de notre cheminement, dans lequel, je crois, nous avons tenté de glisser des variations, qui nous assureraient que nous n'étions pas intacts, que le point de symétrie au sommet duquel nous étions parvenus ne nous avait pas laissés intacts.

Ainsi les instants de ces moments passés s'effacèrent du monde tout en se dupliquant dans notre mémoire.

Nous remontions dans le bateau dont nous étions descendus, il nous attendait à la perpendiculaire de cette langue de sable pâle que ponctuait la verticalité du phare exclamatif et silencieux. La marée, qui nous avait portés descendante et éloignés des terres, nous porterait montante et nous ramènerait à elles. La ponctuation du phare s'éloignait dans l'espace, et très vite, alors même qu'il était encore immense, il devint inatteignable. Ce fut là le premier changement qu'en lui je constatai : il devint sans hésiter absolument inatteignable, alors que je pouvais encore, quelques instants auparavant, je pouvais encore retourner vers lui, même si l'ouverture minuscule pratiquée à sa base, et par laquelle j'avais hésité à affronter sa verticalité, avant de la comprendre, paraissait de plus en plus sombre, de plus en plus petite et prête à disparaître.

Le silence nous absorba presque entièrement, mais je ne sais pas s'il était silence, tant il était plein du souffle du vent et de la houle, des bruits complexes du bateau, auxquels je n'entendais, et de toute cette respiration du monde qui nous entourait. De sorte que je ne saurais vraiment pas dire, à présent que je suis rentrée et que je suis à terre, s'il s'agissait bien de silence ou d'un bruit immense et enveloppant. Je me souviens seulement de (soleil brûlant) (vent glacé et puissant) (mouvements de la houle) (et le phare s'éloignant, s'éloignant toujours, de plus en plus, jusqu'à être capable de se perdre dans la brume).

Et l'embarcadère devint débarcadère.

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