Oui, c'était bien ça, j'avais bien entendu, c'était cette phrase là, elle disait vrai, exactement, immédiatement, je me la suis incorporée, comme l'eau froide et inaccueillante dans laquelle, désormais, mes jambes, déjà, je le sentais, étaient enserrées, eau froide, et glissante, dans laquelle il était assurément impossible de tenter le moindre mouvement, dans lesquels les mouvements ne pouvaient pas aboutir, ne pouvaient aboutir à aucun déplacement selon le lieu, je ne pourrai pas rentrer, c'était donc vrai, je ne pouvais pas rentrer, je ne reviendrai pas, nulle part, jamais, il n'était plus question de l'océan, il n'était plus question de l'horizon, des bords du monde, inatteignables, il n'était question de rien, plus rien.
Je ne peux plus rentrer. Je ne pourrai jamais rentrer.
Alors, j'ai commencé à couler, couler à pic, descendre, peu à peu, là où croisent les ombres, les masses opaques, les bruits sourds, là où se perd la lumière du soleil, là où les rayons du soleil se perdent, se noient, un peu encore, un peu plus bas, un peu plus loin dans les profondeurs, j'allais couler. Alors j'ai commencé à couler. Mes mouvements sont devenus désordonnés, j'ai bu une première gorgée d'eau salée, et froide, qui m'a fait tousser, mes mouvements alors sont devenus encore plus désordonnés, impossible de les coordonner, de les remettre, entre eux, en coïncidence, de les faire coïncider entre eux, pour retrouver une impulsion, c'était impossible. J'ai commencé à couler. Et je le savais.
Tu es en train de te noyer, regarde toi, tu es en train de te noyer.
La phrase avait raison, c'était évident, cela soudain me frappait, elle avait raison, je ne comprenais pas du tout comment elle le savait, comment elle arrivait là, dans ma conscience déjà imbibée d'eau et de sel, j'allais me noyer, ou plutôt, je me noyais, c'est exactement ça, je me noyais, je coulais, j'épuisais mes gestes, mes forces, à rien, pour rien, je coulais, à pic, je me noyais, je faisais exactement ce qu'il fallait faire pour se noyer, exactement ce qu'il ne fallait pas faire, gestes, désordre des gestes, inutiles, épuisants, je me noyais.
Regarde-toi. Calme-toi. Il y avait une solution, en l'espace de quelques secondes je le compris, regarde-toi, calme-toi, reprends, un geste, et puis allonge-toi, repose-toi, une respiration, les bras, une fois, deux fois, et puis repose-toi. Si tu te reposes, tu vas retrouver ton souffle. Si tu appelles à l'aide, tu le perds. Repose-toi. Nage. Les bras, une fois, deux fois, c'est tout, ça suffira. Les jambes suivent. Puis repose-toi. Comme ça, tu vas y arriver, les bras, une fois, deux fois, puis repose-toi. Tu avances, ça y est. Tu ne vas pas mourir, là, devant ta fille minuscule qui joue sur la plage et qui ne pourra pas supporter que tu ne reviennes pas. Avance. Un geste puis un autre. Puis repose-toi.
dimanche 22 mai 2011
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J'aime beaucoup ce texte. J'aime le tout, morceaux par morceaux, bouts par bouts. J'aime l'écriture autant que la lecture. C'est Beau, un sentiment d'espace je crois.
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