Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

lundi 16 mai 2011

L'∞, Épilogue, 1

Ainsi le texte était-il, achevé et inachevé, aussi achevé qu'inachevé, fragile et résistant, mais je n'avais que lui, achevé et inachevé, l'un et l'autre, et l'un, tout autant que l'autre, jamais le déséquilibre, dans un sens ou dans l'autre, ne se marquait, rien ne semblait se matérialiser, l'horizon reculait au fur et à mesure que j'avançais, ligne fuyante qui incitait mes pas, qui invitait mes pas, mais qui jamais ne se laisserait approcher.

Les possibles se déployant au-delà de l'horizon, il est vrai, n'avaient pas été atteints. Pas tout à fait. Les possibles déploiements au-delà de l'horizon restaient, ainsi, intacts de tout regard, intouchés, silencieux, et parfois, en y pensant, je sentais en eux une certain hostilité à ce que nous les parcourions. Comme un repli dessiné nettement en eux, sur lequel ils se refermaient : ils ne se laisseraient pas atteindre. Sans doute se voulaient-ils ainsi, éternels et silencieux, éternellement silencieux à nos consciences, silencieusement éternels et hostiles à nos passages. Que nos traces éphémères ne les atteignent pas semblait la moindre des choses. À mes yeux, du moins, cela ne pouvait pas faire de doute. Toute chose en ce monde était douteuse, mise à part cette unique certitude (en forme de refus) : nos traces éphémères d'êtres éphémères et incertains ne se peuvent laisser que sur les sols tendres, et désolés de notre passage maladroit, tandis que l'océan et le ciel, d'un même élan, nous effacent à peine les avons-nous atteints (en sorte qu'il nous devient certain que nous ne les rejoindrons jamais tout à fait).

De sorte que l'∞ continuait de se déployer, intouché, devant nous, intact, et pourtant parcouru, parcouru et pourtant intact. Et que dans ce mouvement, la vie redevenait possible, les possibles redevenaient vivants, étrangement palpitants sous nos doigts de statues et sous nos baisers férocement froids et raides.

J'avais senti, autrefois, le froid désespoir descendre dans mes membres, et je comprenais la métamorphose lente en statue de pierre que Méduse imposa parfois à ceux qui eurent la folie de prétendre soutenir son regard, je ne la comprenais pas, non, cela n'a aucun sens, c'était bien plus terrifiant encore, je la sentais en effet, descendre dans mes membres, le long de ma nuque qu'elle enserrait de ses doigts froids et roides, et je sentis en retour, alors, cela ne faisait plus aucun doute, que le processus inverse, métamorphose, appel, la vie en moi, appel de la vie, métamorphose aussi surprenante, aussi incohérente et brutale, et qui me devint plus fascinante encore, était possible aussi, tout autant était possible, appartenait aux possibles en direction desquels il suffisait de tendre.

La statue de cette femme (était-ce une déesse ?, je n'en sais rien, l'anecdotique ne m'est rien) apparut sur une plage, des siècles plus tard, sortie de l'eau et des sables, et des flots et des vagues, intacte et droite, érigée sur la plage trop fragile pour elle, soudain triomphante et couverte de traces de sel.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire