Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

mardi 17 mai 2011

L'∞, Épilogue 3

Ce ne peut être là le genre de souvenir, du moins, qui s'effacent de la mémoire, je n'y crois pas un seul ins. Je ne vois pas comment ce serait possible, comment une telle incohérence serait possible, mais il est vrai que la texture de notre monde n'est pas très solide ni cohérente, et que les fibres, entre elles mal tenues, de ce que nous sommes, n'offrent pas la résistance que nous en attendions. L'étoffe parfois se rompt et se déchire et se lacère, sous des prétextes vains et futiles, et les lacérations défont les fibres, les tendent puis les laissent inutiles et défaites, j'ai souvent remarqué cela, arrachement, déchirement, après quoi la détente est manifeste et inutile.

Se rendre à l'évidence de son néant. Quelque chose comme cela.

Ce doit être bien plutôt le genre de souvenir qui remonte, inconsidérément, dans les moments où ils sont le moins attendus ; ils ont la force, incongrue et troublante, de remonter à la surface de la conscience et de se déposer, en larmes dans les regards, en sourire sur les lèvres, à la commissure des lèvres, qui imperceptiblement remontera. Et puis il y en a d'autres qui les effacent. Un pas et puis un autre, une vague et puis une autre, après tout, ces pas sont peut-être une danse dont Ulysse et moi seule nous souvenons, un pas après un autre, une vague après une autre, déferlement, un pas et puis un autre, un souvenir joue un autre air, remonte à la conscience, d'autres courants plus transparents le traversent, une vague et puis une autre, mais l'eau de la conscience, soudain, est devenue plus transparente, et à cela nulle force ne peut s'opposer.

Se rendre à l'évidence de son néant peut aussi tarir les larmes.

Un pas et puis un autre, une vague et puis une autre, et dans le crépuscule, la statue redressée sur l'horizon du rivage plonge avec nous dans la pénombre et indique le lieu venue de l'immobilité, le temps venu de l'immobilité. Elle est là, incongrue et obstinée, et je n'ai trouvé aucune bonne raison de ne pas appuyer mon dos contre son obstination à la verticalité, lorsque le vertige fut trop tourbillonnant et que je sentais que la verticalité des lignes me devenait conflictuelle et troublante, il n'y en avait aucune, et la fraîcheur du marbre me gagna pendant que je la réchauffais de l'appui qu'elle me donnait.

Surface, entre elle, et moi, conjonction insignifiante et fragile, nous échangeons en secret nos tremblements immobiles.

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