Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

vendredi 6 mai 2011

Les faunes blessés, Vase communicant, avec @valtudinaire http://valetudinaire.net/

Les mythologies ont changé, ont glissé pitoyablement du naturel vers l'artificiel, pour se retrouver représentées comme créations des hommes, et non d'une force supérieure incomprise et sublime. De lacs verdoyants nous nous sommes vus enterrés dans des mares rectangulaires, rigides, au bord desquelles se reflètent nos piètres accoutrements, nos silhouettes hideuses et ridicules de blancs histrions désarticulés gigotant sur les bords de piste. Il faut s'efforcer d'extraire la beauté d'une douleur environnante où l'oeil peine à se poser, à accrocher un élément nouveau par détresse, paresse, délicatesse. On évolue dans des couloirs.

Parfois, des faunes aux yeux vitreux arpentent ces vieux couloirs, semblables aux déserts les plus arides, à des confins étoilés où se perdent ces astronautes décrochés de leur habitacle en dérive. Les pieds de ces rêveurs insouciants fondent sur l'asphalte, s'enfoncent dans un bitume mou et chaud, s'enveloppent dans les sables mouvants de la modernité. Leurs cris s'éloignent à mesure de leur regard, dans l'espérance obscure d'accrocher un quelconque élément antique. Une jeune fille, alors, peut-être.

Mais elle passe tellement vite. Ses traits fins deviennent déjà des rides millénaires, son odeur s'effrite sur des paupières acides dégageant les putréfactions d'un horrible cadavre, son corps sombre sur les rivages de Charon. Il n'est qu'Orphée qui puisse rattraper la beauté de ces nymphes perdues entre les Minotaures, violées sur leurs frivolités par des bestiaux dévastateurs. Que les faunes s'accordent le plus à contempler à mesure de leur progression vitale la beauté environnante, elle ne surgira que bien plus tard quand les espoirs seront fanés, que leur vieux corps douloureux subira les impacts du temps, que leurs envies seront enfouies ; mais la jeunesse ne se regagne pas, ne se partage pas, elle se contemple du haut des âges perdus, où se combattent tour à tour le chagrin et la détresse, puis retombe dans un élan nucléaire sur les âmes détruites de ces vieux hommes chauves au souffle bref.

1 commentaire:

  1. Magnifique texte qui me parle. Couloirs, minotaures, et puis cette respiration à la lecture, ce souffle.
    Chapeau bas.

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