Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

jeudi 5 mai 2011

L'∞, 137

Il faut bien admettre que l'ombre d'Ulysse commençait à s'éloigner dans les rayons obliques du soleil.

Quelque chose, sans doute, quelque part, dans un minuscule mécanisme, s'était très légèrement détraqué, à n'en pas douter. Il n'était déjà plus possible d'en douter. Le sentir ne suffisait pas encore à s'en inquiéter, relevant encore de ce type de conscience auquel on peut se convaincre soi-même de ne pas prêter attention. Néanmoins, très légèrement, elle inquiète, et empêche le repos de gagner sur la tension du jour. Évidemment aussi légère soit-elle, l'alerte est vive et précise, comme le serait une très fine distorsion du rythme diastole/systole, comme un empêchement infime qui lui serait opposé.

Bien sûr, à ce point du récit, il paraissait encore possible de recouvrir cette conscience aiguë et pourtant languissante de feuillets crissants de langage, on pouvait encore se dire à soi-même, se murmurer dans le secret de son angoisse que toutes les ombres, de même, s'allonger, que l'heure était venue où toutes les ombres s'allongent, on pouvait, tentative pour détourner l'angoisse, retourner entre ses doigts les fibres ultimes et transparentes presque du mot crépuscule, caresser sa texture, il n'en demeurait pas moins, en dépit de tous ces artifices, que quelque chose s'était détraqué (très légèrement) dans le rythme diastole/systole.

Dans la seule visée de ne pas se rendre compte de ce que, déjà, on savait intimement, on recourrait alors à de très légères incantations qui devaient aussi n'entrer pas en contradiction avec les négations obstinées dont on avait si soigneusement choisi d'entourer cette infime certitude

on le savait, mais on évitait encore de se dire, combien l'ombre d'Ulysse s'éloignait. Cette tentative même de noyer de silence cette certitude la ramenait plus sûrement à la conscience, selon le mouvement des vagues.

L'ombre d'Ulysse s'inclinait, se ployait, s'éloignait.

Et les mouvements de la conscience qui en avertissaient étaient des vagues, mêlés aux vagues. Plus cette impression refluait, plus sûrement encore elle revenait.

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