Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

lundi 26 juillet 2010

Cahier d'un autre été, XVIII (tempus fugit)

La silhouette frêle et colorée de l'enfant traverse l'espace d'un seul cri et se jette dans le chagrin. Elle court vers le tronc noueux (qu'elle enlace). Le tronc de l'arbre immémorial vient de révéler ses faiblesses, et de faire l'aveu de la pourriture qui le ronge, et soudain son absence se dessine en creux dans le jardin. Il est et bientôt ne sera pas, le monde encore plein de lui bientôt sera vide de lui. Le présent est déjà bien plus soumis à sa négation que l'avenir qui n'est pas encore et bientôt le niera.

Je regarde faute de savoir quoi lui dire ses racines noueuses, la mesure de mon impuissance me dépasse et je baisse les yeux sur les racines noueuses sur quoi sont posés ses pieds nus. Je me demande ce qu'il adviendra d'elles, quand presque rien ne les dépassera plus. Question vague et sans signification, seule capable pour le moment de me détourner de ses pleurs d'enfant. J'imagine sous le sol le déploiement ramifié d'une canopée invisible et silencieuse, tacitement déployée, réponse précise donnée par l'arbre lui-même à sa ramure immense et foudroyée. Et l'arbre se fend et se déchire dans l'immobilité.

Le vent se lève, ses feuilles bruissent de tous les bruissements du passé, de tous les orages, et de toutes les nuits, de toutes les ombres enfuies qui un jour furent sous sa protection. Dans quelques mois, il faudra sèchement sectionner les branches robustes, de plus en plus loin du ciel, de plus en plus près du sol, la frondaison tombera à terre. S'écrasera au sol, fracassée. Je sens soudain la dalle de béton que l'âge adulte pose sur nous. Elle sanglote. Je ne toucherai pas à ma douleur. Je ne regarderai pas l'entaille, j'ai appris dans la suite des jours, les contournements, les fuites, les détours par où me faufiler p pour ne pas sentir trop vivement le monde et cette pointe exquise avec laquelle il nous incise chaque jour.

Sous le sceau de la nuit, je m'extirperai de ce monde de brutes, je me faufilerai dans les rêves mystérieux et mouvants, pour m'en aller prendre l'arbre immense dans mes bras même s'ils n'en font pas le tour. Je l'ai déjà fait, et sais alors, je sais très bien l'impression de voler, d'être soulevée emportée quelque part entre les ramifications souterraines et les autres, celles qu'on sait au dessus de nous, bruissantes, aériennes. Cette légèreté qu'il donne me manquera plus encore.

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