Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

mercredi 14 juillet 2010

Cahiers d'un autre été, VI (commencement)

L'aube est grise. Elle soulève mollement la brume qui s'est déposée sur la mer durant la nuit. Il n'y a encore presque aucun bruit si ce n'est l'éveil de la nature qui s'étend et se dévoile. Étirement du monde au sortir de la nuit. Je commence à voir dans un cercle beaucoup plus large dont les contours se perdront. Réponse adressée au crépuscule. Le voile par lui étendu sur nous, qui a effacé nos trais et nos contours dans le basculement du jour, se déchire par endroits et se retire. Voilà des années que je me demande ce que veut dire cette phrase de Rimbaud "j'ai embrassé l'aube d'été"... Voilà des années qu'elle distille en moi sa rêverie à chaque aube d'été. Elle articule son baiser quand j'en croise une, quand les profondeurs du sommeil me relâchent un peu trop tôt. Elle le détache sur le monde et il me semble seulement qu'il est inatteignable.

Il n'y a rien d'autre à faire pour le moment. Absolument rien. Les volets entr'ouverts me tiennent au courant du mouvement de rotation de la terre sur elle-même. Nous entrons certainement dans un autre jour qui s'étend devant nous, même si hier encore personne ne le pouvait prédire. Le regard commence à distinguer le bleu des volets qu'on ne ferme jamais, le blanc du mur. Lentement, les couleurs se raniment. Elles s'étaient retirées de nos regards depuis hier, elles reviennent à elles.

L'air frais entre par la fenêtre. Un translation absolument géométrique et bien déterminée paraitrait judicieuse. Et point trop fatigante. Renversement des perspectives. Tirer un bout de drap et m'enrouler dedans, puis déplacer mon visage vers la fenêtre. Ce qui a pour conséquence inéluctable que mes pieds se posent sur les oreillers dont ils éprouvent la consistance et la douceur. J'en récupère un et leur abandonne les autres. L'air frais et immobile entre étrangement par bouffées. Respirations calmes du jour. Rimbaud encore une fois avait vu juste. Rien ne bouge. Je pourrais presque sentir le baiser du monde. Rien ne bouge encore même si le monde se réveille et que tout va recommencer.

Ce jour est nouveau. L'air frais me tient par les épaules. Et ainsi les angoisses de la nuit se défont dans ce mouvement. Le monde s'ouvre. Pourquoi y croire chaque matin ? Le monde s'ouvre et il parait presque possible de vivre. Impression ténue qu'il faudra protéger jusqu'au soir. Un insecte bourdonne. Je sais bien qu'il ne faut pas poser de questions, et ainsi il sera peut-être possible de vivre légèrement jusqu'au soir. Cela pourrait suffire.

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