Aux mouvements immenses et furieux de l'océan, il a résisté. Il sait. Tenir contre le courant froid, contrer l'écume, esquiver les rouleaux, passer sous eux, là où la houle est transparente, ne pas se laisser emporter par la marée descendante, celle qu'il faut craindre et dont les nageurs racontent en faisant des mystères (qui pour un peu laisseraient entendre qu'ils savent d'expérience) qu'il faut lui céder si elle emporte, se laisser porter au loin, ne rien tenter contre elle, l'accompagner si on veut conserver le moindre espoir de revenir sur la terre ferme, sur la côte sablonneuse.
Au soir qui tombe, quand les rayons du soleil deviennent de plus en plus obliques, et que les familles se retirent de la plage, remontent le petit sentier le long de la dune, et peu à peu vident l'espace étroit allongé entre la forêt et la mer, on apprend aux enfants à se méfier de la transparence des baïnes, à laisser un peu plus d'insouciance, une fois encore, près de leur fond torturé par le courant, elles dont le mot se confie comme un talisman, et dans le piège desquelles un peu d'eau, seulement, jusqu'à la cheville, suffirait, quand elle se retire, pour les emporter au large. Il s'allonge sur sa serviette après l'avoir secouée dans le vent du soir et n'écoute pas. Autant qu'il le peut, il se ferme à ces voix, ces bavardages.
Tous ces pièges sont connus de lui, et il ne les craint pas. Son corps a affronté déjà la terreur lente de la noyade, il a aspiré l'eau à plein gorge, et étouffé dans une mer calme. Tout cela, il le connaît intimement et il a abandonné toute confiance dans l'élément aquatique (le sien, toutefois, le seul sien, le seul qui le porte et l'entraine dans ses pensées). Il se méfie profondément de ce monde qui ne cesse toutefois de l'attirer, comme il se méfie de son corps.
C'est ainsi qu'il est possible de s'absorber dans la contemplation détaillée des plus infimes détails d'une toute partie du monde. Au sortir de l'eau, intacte, je me laisse glisser dans le silence sourd des vagues et n'écoute plus rien que la houle dont le tumulte recouvre le tumulte du monde. Je ne regarde plus rien que les gouttes d'eau sur ma main. Les traces de sel apparaissent lentement. Si une mèche de mes cheveux trempés passe près de mes lèvres à cause du vent du soir, je m'assurerai de son goût de mer. Mais je ne bouge pas. L'eau salée a attaqué ma bague ancienne dont les granules d'argent furent noircis par le temps. Elle retrouve dans la suite de ces jours un éclat lunaire. Je sais que mon doigt, sous elle, est resté pâle et commence à porter la marque de ses circonvolutions. Je ne bouge pas.
Je me demande seulement si la corrosion du sel agit aussi profondément dans l'âme qu'à la surface du métal.
mercredi 21 juillet 2010
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