Les volets entr'ouverts ont laissé respirer la maison dans la nuit immense et calme. Ils ne se sont pas opposés à elle et les frontières sont restées ouvertes entre le monde intérieur et la terrasse bonde, le jardin et ses arbres bruissants un peu plus loin, et puis, dans un cercle plus lointain encore, le monde extérieur et marin. Ainsi, mon premier geste ce matin est de vérifier que la porte était fermée ; elle l'était, étrangement. Seul point fixe et clos de ce monde ouvert. Les vies nocturnes du jardin qui se sont glissées à l'intérieur de la pièce se font discrètes. Et le jour à présent les fait refluer. Il y a bien un insecte inconnu sur la table de la cuisine, mais nous nous ignorons. Son corps arrondi et minuscule dessine une goutte d'eau opaque et verte. Le bruit assourdissant du bol de café que je pose ne semble pas le détourner de son cheminement obstiné et précis.
Un chat dort encore, roulé en boule, sur une serviette de bain dans le jardin. Je le repousse, un peu agacée de cette familiarité avec mes affaires, et elle est tout à la fois pleine de sa chaleur vivante, et fraiche encore de l'humidité de la mer. L'eau salée ne s'en retire plus aussi facilement. Elle est pleine de la trace de nos bains de mer, et le temps de la suspension ne les efface plus, elle les retient, sans doute la fraîcheur de la nuit ne facilite pas le processus. L'océan commence à pénétrer ici, je ne tente rien contre lui. Il n'y a rien d'autre à faire que de le regarder avancer.
L'eau salée s'insinue doucement et son mouvement commence à être sensible. Il suffit de mordre ses lèvres pour s'en convaincre. Dans une conversation sérieuse, un appel professionnel à l'heure écrasante de l'après-midi qui commence, il devient possible de mordre ses lèvres et d'y sentir la mer, ou de détecter une trace blanche sur un tissu qui signe la présence de l'océan et son insinuation souple dans nos affaires, pendant qu'une voix me parle d'un autre monde. Et contre toutes les stratégies préconisées par les femmes, je ne fais rien pour m'opposer à l'avancée de la mer. Je trahis volontiers les humains dans cette proximité de l'immensité, il faut reconnaître que leurs artifices étroits sont incapables de retenir mon esprit.
L'attirance aquatique est trop forte. Que les vagues déposent sur toute ma peau un goût de sel lointain et qu'il reste longtemps, qu'il m'enveloppe. Tout parfum artificiel dans cette proximité du monde aquatique est à fuir. Les rituels sont précis pour qu'entre dans nos rêves et dans nos regards une parcelle infinie de la mer ; et si vraiment nous respectons toutes ses avancées minuscules sur nos corps, nous retrouverons peut-être, tout au fond de l'été, sous la dernière nuit étoilée, dans l'ultime vague de notre passage ici, un regard transparent. Qui sait ?
Je sens sous mes pieds nus les grains de sable du rivage.
mardi 20 juillet 2010
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on a l'impression d'y être, tout au long de tes textes !
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