Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

samedi 10 juillet 2010

Cahiers d'un autre été, II (de l'immobilité de l'été)

Je ne bouge pas. Je ne bougerai. Je peux encore faire un peu semblant. Ils peuvent penser que je ne les ai pas entendus et ils vont se distraire de moi. Avec un peu de chances il est possible qu'ils oublient mon existence et qu'ils m'oublient sur la plage. Ils repartiront sans me voir et je resterai là, au bord des rêves.
Le soir il reste sur la plage quelques jouets oubliés, quelques traces de leur passage, et ce que la mer a rejeté et qui s'entremêle à la chevelure verte des algues, une chaussure de bateau taille 43, un briquet rouillé, des bouteilles sans étiquettes de produits chimiques non identifiés mais un peu menaçants. Et puis des coquilles brisées et nacrées, des éclats de verre polis et usés par les vagues, aussi usés que ce bois blanc et impossible à brûler. Un bois flotté... Se détacher,repartir, partir, se perdre, être le jouet des vagues, blanchir dans le soleil, aller où les flots l'emportent... Je médite mon inclusion dans cette catégorie.

Quand je me suis baignée tout à l'heure, avant qu'ils ne m'appellent, avant que leurs voix ne me parviennent... par parenthèse, quand je nage, leurs voix sont trop faibles pour me contraindre encore à quelque mouvement que ce soit. Il suffit de plonger sous le miroir opaque de la surface, de s'abriter au creux d'une vague et je n'entends plus qu'ils m'appellent,c'est plus facile de ne pas répondre, ainsi... une algue s'est enroulée avec insistance autour de ma cheville gauche. Je secouais la jambe mais elle revenait aussi souvent que mes mouvements
l'écartaient. J'avais beau me défendre contre les idées étranges, elle revenait trop souvent ... Je ne pouvais pas à la fois me défendre contre l'insistance de l'algue et contre les idées étranges. Mon esprit était attiré sous la surface de l'eau. Je n'y pouvais rien.

Alors même s'ils m'appellent je ne bougerai pas. Pas tout de suite. Moi aussi j'ai droit à cette immobilité de naufragé. J'ai échappé aux vagues, à l'écume, aux algues séductrices, aux rêves sournois avec lesquels il était impossible de ne pas jouer un peu... Rien qu'un peu... Et qu'importe que je sois assise au centre du château de sable que mon père m'a construit ou que ce soit moi qui ai perdu les clefs de la voiture ?

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