Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

lundi 27 septembre 2010

Carnets lointains, II (répit)


Il arrive toujours un moment où il faut sortir. On n'a plus de pain, ou alors il est vraiment trop sec, une lettre attend sur le désordre du bureau, on a bien essayé de la cacher, de la noyer, de l'étouffer dans des strates de livres, un paquet de cigarettes vide, un programme de théâtre auquel on pourrait bien aller si…, et puis aussi de la monnaie, quelques tickets de métro, une fleur séchée d'un amour défunt, qui elle aussi s'entasse là, par désespoir.

Mais il vient un moment où le terrain devient glissant, où le glissement de terrain se produit, l'amoncellement sur la stabilité duquel on comptait encore il y a un instant, pour permettre l'oubli stratégique (poster cette lettre, ne pas la poster, pas aujourd'hui, un peu plus tard, on verra demain, rien ne presse, de toutes façons, les espoirs sont morts), révèle ses faiblesses, glisse, penche, penche dangereusement,

… et tout s'effondre, les piles, les entassements, les possibles, tout cela tombe à terre, dans un fracas de terreur, un bruit sec, claquement, suivi d'autres, je sursaute, instinctivement, me précipite pour tout ramasser avant l'écrasement, pour éviter d'autres dégâts, je ne sais pas, mon cœur tressaute dans ma poitrine, son rythme s'accélère soudainement, il manque un battement, puis un autre, on dirait qu'il s'écrase  sur lui-même, en même temps qu'il bondit et me brise les côtes, en un instant je me retrouve à terre, au milieu des objets éparpillés, morceau d'un monde effondré parmi d'autres objets de ce monde, rien de plus, mon cœur bat, trop fort, trop vite, il n'y a qu'à attendre, cela passera, c'est lui ou moi,  je m'allonge là où je suis, il se calmera, je reste calme, et il se calmera, encore un raté,  il fait mal, encore un mouvement absurde, mais dans l'autre sens, et sans que je sache pourquoi, le calme revient.

Le calme immense revient. 

Maintenant j'ai une excuse pour ne pas sortir, je reste allongée, il faut  profiter de ces répits. Je dispose même d'une excuse pour ne pas ramasser les dégâts, les débris, les restes, les bribes, les miettes, les trombones, les cendres… je ne ramasse rien. Même pas mes espoirs. 

Je reste allongée au soleil. La vie, de nouveau, bat calmement dans mes veines, bat calmement dans mes tempes. Je dispose d'un minuscule répit.

1 commentaire:

  1. Et se donner le droit à la procrastination, une hypocondrie de circonstance. Joli.

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