Je n'ai pas vu la couleur du ciel de Tokyo.
Il y avait la lumière des néons de la salle du colloque, la lumière blanche des néons, les oscillations en sont connues ; la salle éclairée d'une immense baie vitrée tournait le dos à la ville ; la vitre translucide ne permettait pas de saisir finement les silhouettes des tours, les élancements des silhouettes des tours, élancées vers le ciel. Mais les regards étaient tous artificiellement ramenés vers le défilement mécanique des powerpoints, indexés sur les voix monocordes. Canalisés vers le défilement incessant des slides des powerpoints.
Pourtant la ville est là, au travers de la vitre translucide, il est impossible de ne pas la sentir. Et sa fascination incante silencieusement le lieu, aussi neutre soit-il. Il est possible de deviner certaines des lignes verticales qu'elle dresse jusque dans la masse des nuages (ils viennent de la mer, et la pluie glisse en traits obliques contre la vitre).
Tokyo fascine silencieusement, pendant que défilent les slides des powerpoints. Entre chacune d'elles, dans le léger vide qui s'intercalent, il y a l'immensité de la ville.
Je ne peux pas m'empêcher de me murmurer secrètement, entre deux paragraphes, que la scène de cette fascination ne se déroule ni à Aix-en-Provence (honnie soit cette ville, de toutes les malédictions des athées et des exilés) ni rue d'Ulm, je me murmure que Paris est infiniment loin, asymptotiquement loin, je me dis encore une fois, à voix très basse, qu'ici je ne risque rien.
Il est presque impossible, alors, de retenir le sourire qui s'esquisse sur mes lèvres S'esquive. Mais il est toujours possible de pencher la tête sur l'écran translucide de l'ordinateur. Il y a dans ce refrain qui berce mes rêveries, quelque chose de l'enfance perdue. Une incantation que seuls les enfants connaissent. Elle vient du très loin de mes rêves.
Je n'ai pas vu la couleur du ciel bleu de Tokyo. La pluie n'a pas cessé. J'ai traversé la lumière douceâtre et insipide du métro, dans des relents sinistres de sake. Les scintillements artificiels des tours dans la nuit brumeuse et profonde. Ils n'en finissaient pas. Elle n'en finissait pas. Les chiffres lumineux du réveil électronique traversaient toute la longueur de mon lit. J'ai laissé la télévision sur une chaîne absurde faire vibrer et contrarier l'obscurité de ma chambre. Je n'ai pas vu la couleur bleue du ciel de Tokyo.
Ainsi mes rêves y sont-ils à l'abri. Pas une seule fois je n'aurai vu la couleur bleue du ciel de Tokyo.
Sur le métro.. http://bit.ly/d4A6JR
RépondreSupprimerSur tous ces gens seuls qui n'ont pas vu le ciel bleu de Tokyo.. http://bit.ly/ceZQxW
Sur ce, à mon tour d'aller voir mes rêves :)