Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

mercredi 8 septembre 2010

Carnets Tokyoïtes, liasse perdue



Il devient de plus en plus difficile de tendre la main et de ramasser, en se penchant par dessus bord, les souvenirs, là où ils traînent, dans la poussière de la rue.  Le geste devient de plus en plus complexe, l'amplitude est extrême, les souvenirs s'en viennent des branches inaccessibles de l'imagination, et le temps passe, aérien, comme un souffle. Toute la ramure s'en trouve ployer, et les mouvements sont irrépressibles. 

Les coïncidences deviennent folles, je sais plus si elles sont inventées ou rêvées, enregistrées par ma mémoire, ou factices et artificielles.

La tâche d'huile s'irise sous la pluie, s'ouvre en éventail et peu à peu se délave dans l'averse.  J'ai beau tendre la main, je vois mal comment il serait possible d'en revenir à d'autres irisations, aussi artificielles, alignées rigoureusement et, j'en jurerais, que mon regard a parcourues tout autant que celle qui maintenant, ici… L'irisation s'ouvre, fragile espace que profanent les pas des passants, et le passage peu à peu arrache les dernières bribes possibles de cet artifice coloré.

Fascination. Les pas des patients. Martèlements ! Les pas des passants passent dans l'espace, martèlent mon crâne, écrasent mes rêves, et dispersent cruellement mes rêveries irisées. Grondement sourd de la ville. La ville gronde et mon crâne explose, implose, migraine. Le manque de sommeil, assurément, mais les pas des passants pour autant ne cessent pas, ne cesseront pas, et dans la gare de Shinagawa, au soir, je retrouverai presque le calme, sortirai sous la pluie, et les pas cesseront de se répercuter contre les parois de mon crâne, de taper contre les os, vrombissement, grondement, il me semble devenir l'espace et perdre tout point de repère, je deviens l'espace autour de cette aiguille de douleur que l'insomnie avivée par les pas des patients éveille dans les os de mon crâne. 

Mais au sortir de la gare de Shinagawa, il y aura la pluie. La pluie ruissellera. Fraîcheur du soir et de la nuit qui monte par bouffées, une cigarette dans l'air du soir, avant de me tenir entre les murs de ma chambre d'hôtel pour l'insomnie rituelle, mais qu'importe ? Au sortir de la gare de Shinagawa, il y avait la ville et ses perspectives étoilées.

Alors je retrouve la certitude absolue de mes souvenirs.

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