Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

dimanche 14 novembre 2010

Carnets lointains, 25 (départ)


Il y a des jours qui commencent dans la nuit.

Goût d'aube et de froidure, quelques brisures, presque des engelures, on aimerait le gel sur la fenêtre,  le givre déjà et ses fractals mystérieux et complexes, indéchiffrables à l'œil nu, en transparence, mais c'est trop demander, ce matin, encore, il n'y a rien d'autre que le ricochet des gouttes de pluie, que le vent rabat par rafales, les gestes engourdis de sommeil inassouvi conduisent maladroitement dans la cuisine. Goût d'automne et de pluie qu'on entend avant même de la voir, qu'on verra avant même de la sentir.Pour le moment, la conscience, en retard sur les gestes, n'assurent que le mécanisme. Gestes mécaniques, ils se glissent dans les automatismes que les matins répétés ont mis en place, lentement, instamment.

Descartes recherchait dans les tracés des cheminements à travers le cerveau les marques de cette répétition. Habitude des gestes. Ils reviennent, jour après jour. Ils marquent leur passage dans  les connexions des cellules. Ils se retrouvent. Plus facilement. L'habitude nous glisse dans ses marques.  Elles dessinent ses traces dans le corps, et pour cela, il faut l'union complexe de l'âme et de l'esprit. Elle se rejoue, une fois encore, puis une autre, sans que la conscience ait trop à surveiller autre chose que l'heure qui tourne, le temps qui passe, le train qui bientôt partira, son heure, moins le temps du métro jusqu'à la gare, moins le temps de s'assurer du numéro du quai, moins … une petite marge… un café et partir.

Il y a des départs qui commencent dans la nuit.

Ce ne sont pas des voyages. On sait où l'on va, ce qui  attend, les gestes attendus, tout cela relève de l'habitude, enchaînement, je les connais, tel un danseur devenu aveugle qui réitère les mêmes enchaînements sans rien regarder de ce qu'il traverse, un geste et puis un autre, le café, poser la tasse, dans l'évier, elle attendra le retour, prendre le sac qui est posé devant la porte, les clefs sont dans la serrure, le poids sur l'épaule retrouve le creux que spontanément il occupera toute la journée, les billets de train dont l'horaire est toujours le même dépassent de la poche extérieure, alors les gestes sont les mêmes, encore une fois, une fois de plus, et tous les pas jusqu'au retour sont des pas que j'ai déjà déposés sur le sol, dans la poussière des villes.

On appelle cela un voyage, mais c'est complètement insipide.

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