Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

mercredi 17 novembre 2010

Carnets lointains, 32 (charnier)


Après tout est allé très vite, comme dans un cauchemar.
Je ne peux pas en redire les articulations, c'était trop indistinct. Je ne suis pas certaine des associations d'idées, elles sont restées aléatoires et vaguement arbitraires. Je suis entrée dans une de ces salles, comme il était indiqué sur la convocation. Je la connais bien, j'y ai passé des heures, elle est couverte de livres et regarde les montagnes. Il y a une façon de s'y asseoir, de se tasser un peu sur sa chaise, sans en avoir l'air, et alors, au dessus de l'encadrement des fenêtres, courent les ondulations bleutées de la montagne. Elle commence là et de là, il est possible de les voir. Il est possible aussi de tendre la main et de saisir des livres, autant qu'on veut, jusqu'à l'ivresse, selon le côté vers lequel on décide de se tourner.
Alors (je ne l'explique pas, je n'ai aucune hypothèse) quand je suis entrée dans cette salle, je n'aurais pas dû avoir devant les yeux les images d'une fosse commune. Ce n'était pas très précis, ni très clair, je n'avais pas toutes les cartes en main, le contexte manquait. Tout était prêt pour la cérémonie. Il ne manquait que ma chaîne en or : elle avait quitté mon cou. Elle avait trouvé un prétexte, j'avais dû l'enlever de mon cou, puis elle s'était glissé entre les coussins d'un fauteuil, était tombé sur le sol et le pendentif fracassé l'avait rendue inutile. Je me trouvais seule, avec en tête cette image que je parvenais pas à chasser, aucun talisman, aucune conjuration possible.
J'ai vu très sûrement un corps qu'on descendait en terre dans un linceul.

J'aurais pu ressortir. Il était encore temps. J'étais entrée, je n'avais pas encore refermé la porte que l'image, devant mes yeux, était passée. Une feinte, une esquive, un pas de côté, tout aurait mieux valu que mon entêtement. Et la fuite… J'avais tous les signes en main, toutes les indications, tout était clair, alors je ne m'explique pas pourquoi la carte que j'ai jouée  fut celle de la rationalité. Je l'ai jouée froidement, d'entrée de jeu alors que tout m'incitait au contraire. Je l'ai abattue sur la table et le massacre a commencé.
Pendant ce temps là, l'image que produisait mon cerveau était toujours la même, je ne parvenais pas à le fixer ailleurs : un corps dans un linceul, on le descend en terre. Sans doute dans une fosse commune. Je ne sais pas de qui il s'agit. Je ne le connais pas. Je n'arrive pas très bien à voir… Ou peut-être est-ce moi ? Je n'en sais rien. On descend un corps dans une fosse commune. Il neige un peu. Et l'image revient.

Obsessionnellement.


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