Et puis de l'autre côté, il y a une autre foule, un autre quai, d'autres cheminements, ce n'est pas absolument différent, cependant, elle se déverse par d'autres tracés, qui ont une autre texture, dans la ville qui s'étale au pied de la gare ; on distingue encore des ruissellements possibles, des lampadaires de cuivre entièrement rongés de vert-de-gris ponctuent la descente vers la ville de leur couleur absurde. Il fait gris. Résolument gris. Et sur la couleur du ciel, les lampadaires vert-de-gris se dressent absurdement. Alors je remarque, après des pas hâtifs, que la foule est moins pressée. Elle se déverse mollement dans les escaliers. Un couple s'embrasse. J'adapte mon pas. La rampe de l'escalier, aussi, est vert-de-gris et dépose sa toxicité sous ma main.
Ce n'est pas absolument différent.
Tout ces efforts pour presque rien…, même si je sais que la mer n'est pas loin. Le vent souffle avec une brusquerie sans limite sous ce ciel gris. La mer ne doit pas être loin, elle doit être quelque part, et même, si je montais un peu, je sens sa présence, je pourrais peut-être la voir, et détacher mon regard de ce jour, mais il faut descendre vers une superposition de lieux. Au centre d'une place absurde, quelque chose se dresse comme un arc de triomphe — décidément dans cette ville les verticales sont grinçantes — dans le dédale que trace, au cœur de la ville, l'arrivée d'une autoroute.
Des flots visqueux se déversent, de voitures, rencontrent un autre courant, celui des voyageurs, encore un peu en suspens, ils descendent vers la ville, se séparent des dernières traces d'une nuit maladroitement terminée sur la banquette d'un TGV, corps recroquevillés qui se déplient un peu dans le jour repoussé. Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, les silhouettes des voyageurs se glissent au milieu des embouteillages, et trouvent d'autres lieux où se déverser. Puis disparaissent.
J'attends, à la périphérie de ce cercle autoroutier, comme un point, géométrique et anonyme.
J'attends qu'arrive la possibilité de rejoindre un autre lieu. Parfois, il n'y a rien d'autre à faire, qu'attendre dans la poussière soulevée par le vent, et les papiers qui s'envolent. Je n'ai rien d'autre à faire ici. D'autres circulations intenses se font, des échanges complexes, des croisements incompréhensibles, de regards et de marchandises minuscules, des policiers passent, mais pour ce qui est de nous, voyageurs, nous n'avons rien d'autre à faire que de rester les uns contre les autres, à la périphérie de ce cercle, en attendant dans la poussière, qu'on nous emporte.
La seule chose qui demeure (intacte) est la possibilité de la mer.
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