Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

mercredi 17 novembre 2010

Carnets lointains, 31 (effritement)


Ensuite 

(je raconte l'histoire telle que je m'en souviens, mais il y a des blancs et je sens bien que je ne reconstitue pas tout)

il y a des immeubles pâles, de forme rectangulaires, posés dans l'espace, éparpillés, dispersés, et de leur façade se détachent des plaques entières qui s'effritent. Une main précautionneuse a tendu sous elles des filets, de sorte que cet effritement s'arrête, par précaution, au dessus des têtes des passants. Il faut imaginer, tendus à deux mètres au dessus du sol, des filets de métal qui recueillent tout ce qui tombe de la façade, éboulement, effritement, et puis des objets, les objets de ceux qui, excédés, se défont dans cette possibilité ainsi offerte des objets qui pèsent dans leur journée inutile. J'imagine que si une mauvaise nouvelle arrive là, quand on est retenu dans ces salles, il suffit de jeter par dessus bord son téléphone portable et que l'histoire finit ainsi, tout simplement. Une chaise a volé, et un cahier, sur les pages duquel l'écriture se détrempe, sous la pluie fine, des canettes aussi, tout cela a volé, s'est pris dans les filets, de sorte que les immeubles s'effondrent, qu'ils tombent en miettes, sans danger pour nous, au dessus de nos têtes.

Le paradoxe bat son plein et dans mes veines, le mouvement de piezzo-électricité se fait, contre mes tempes, plus insistant.

Imaginons, ce n'est qu'une supposition, il y a des prémisses, mais je ne les prends pas au sérieux, que tout l'immeuble s'effondre, qu'il tombe en ruines et qu'il emporte avec lui, dans un fracas épouvantable, tout ce qui, en lui, reconstituait un univers complexe, de salles, et de paroles, de croisements, de parjures et de réunions : faut-il inférer de cette situation étrange que les filets, encore, le retiendraient ? Ils se balanceraient au dessus de nous, retenus à rien, dans le mistral immense.

J'ai rêvé autrefois de jardins suspendus.

Je ne sais pas comment tout cela va tourner. Autrefois, j'entrais ici et j'entendais derrière chaque porte des fragments incisifs qui expliquaient le monde, chacun à leur manière. Je remontais les couloirs et sortaient de derrière chaque porte des phrases, en toutes langues de ce monde. Je conservais dans un coin inaccessible de mes rêveries, des jardins embaumants qui se balançaient dans le soir, retenus par des cordes de chanvre à des arbres immenses. Voilà que mes rêves se disloquent et terminent leur course dans des filets métallique.

La rouille sur la façade laisse des traînées de sang.

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