Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

samedi 20 novembre 2010

Carnets lointains, Épilogue


Il y a des mots qui n'apparaissent pas sous mes doigts. J'ai beau composer et recomposer les enchaînements, de toutes les manières possibles, dans les obliques les plus surprenantes, je parviens pas à les voir s'aligner sur mon écran. Les lettres apparaissent toutes, les unes après les autres, puis, par des organisations des syllabes dont je ne me suis pas méfiée, des diphtongues aléatoires, des réajustements impossibles à maîtriser, au dernier moment, ce qui apparaît sur mon écran efface toujours les mêmes mots, reprend toujours les mêmes autres.

Je cherche des cheminements et des déplacements, des métamorphoses, et des transpositions, et toujours c'est la même forme qui se recompose. L'écriture n'a de sens que si on en déplace les limites.

Il n'y a jamais personne qui apparaît. Je ne sais pas pourquoi mes phrases se déploient puis se referment ainsi, obstinément, sur un solipsisme obstiné. Si une silhouette parvient à se dessiner, elle s'efface et se dissipe dans l'air du soir. Je n'arrive pas à la retenir. Elle est d'une texture trop fragile et trop diaphane pour que je puisse la saisir. Alors elle disparaît dans un méandre et je ne la retrouve pas.

En suite de quoi, les phrases se détachent de moi et à moi, elles ne disent plus rien. Elles  me deviennent étrangères dès que je suis parvenue à les formuler. Elles ont pu rester là, scrupuleusement, à attendre leur forme, puis plus rien n'empêche qu'elles tombent comme des feuilles mortes, je ne dirais pas que, pendant quelques heures, quelques jours, elles ne tournoient pas autour de moi, ne virevoltent pas dans mes pensées, pendant que les obligations absurdes (attendre sous la pluie qu'un bus arrive, attendre chez le médecin qu'un autre sorte pour que je prenne sa place avant qu'un autre ne prenne la mienne, attendre que ce soit mon tour de parler pendant qu'un autre parle, il paraît que nous jouons tous à ce jeu-là) ne parviennent pas à m'absorber entièrement —

Mais elles me deviennent très vite étrangères. Je ressors d'elles comme toutes les silhouettes que j'ai croisées en sont sorties. Il paraît qu'elles ne conservent que cela :

la minéralité du monde.

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