Glissement.
Le chiffre se décompose. Il se décomplète. Il était une certaine forme, quelques bâtonnets luminescents, turquoises, une forme géométrique composée soigneusement dans l'espace à deux dimensions, projection improbable sur le mur, du temps dans une extension purement spatiale. Affichage en temps réel de l'écoulement des minutes. Discrétion du temps. Il faut exactement soixante secondes pour que l'affichage se modifie. Soixantes secondes révolues entament la forme, la ronge, l'effrite, mais le miracle du continu affiche une autre forme immédiatement, jusqu'à atteindre un bouleversement plus intense, qui remonte encore davantage de la droite vers la gauche. Jusqu'à paraitre corroborrer l'hypothèse incongrue de la circularité du temps.
Glissement.
L'esprit s'enroule en rêves autour d'une forme géométrique. Le huit fabuleux s'arrondit au contact du rêve et s'enfonce lentement dans des strates de conscience qui, telles une eau stagnante, en brouillent les contours. Après tout, cela n'a rien d'invraisemblable, la tour carrée parait ronde, quand elle est vue de loin. La perception en épouse des spirales qu'elle voudrait saisir, qui se dérobent sans cesse telles des mirages dans cette eau trouble des rêves, elles reculent, se renversent, se retournent, il faut plonger un peu plus profondément pour les retrouvrer, tenter de les retrouver seulement... Et encore s'enfoncer dans ce monde fluide et glauque.
Si en effet le temps est circulaire, ces enroulements sont moins surprenants et il parait possible, et même rationnel, de se donner cette possibilité d'un tourbillon calme et immobile, on en conviendrait presque. Pourquoi pas ? Il suffit alors de renverser ce huit pour en faire la figure délicieuse de l'infini. Précisément, exactement comme un amant renverse son amante sur un lit. Perfection rationnelle et trompeuse des rêves. Elle n'a jamais semblé plus claire. Il ne reste plus qu'à tordre quelque peu le symbole parfait ainsi obtenu pour jouer sans fin, intérieur, extérieur, dans les fourvoiements du ruban de Moebius, qui brouille toutes les directions possibles, et finit de nous perdre, infiniment, dans un espace qui nous désoriente sublimement.
Un nouvel effondrement efface le huit et me réveille brutalement.
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