Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

samedi 15 janvier 2011

Manuel anti-onirique, L


Verre brisé. Son âme tombée sur le sol, et le bruit sec de la brisure. La note en est presque fausse. Presque une dissonance aigüe dans le silence. De ce flacon de parfum, fracassé en deux morceaux, et quelques autres, un peu plus loin dans l'espace, le liquide précieux s'écoule par pulsations, quelques unes, deux ou trois, pas plus, certainement les modalités du choc en ont ainsi décidé, puis continue immobile de se répandre. Il serait sans doute impossible de le voir à l'œil nu, mais la preuve irréfutable en est l'épaisseur de liquide qui, peu à peu, s'amenuise.

Au fur et à mesure de ce mouvement arrêté, l'odeur monte, se répand, se fait encore plus insistante. Proportionnalité inverse, dont il sera difficile de se défaire.

Il n'est pas si aisé d'écarter ce souvenir. Il n'est pas si facile d'en éloigner les phrases, de ne pas les y laisser revenir, au détour d'un adverbe ou d'une suspension. Les souvenirs s'enroulent, se déroulent, sans que l'alternance de ces phases puisse être fixée. Coquille immobile prise dans les strates d'une pétrification insidieuse du coquillage qu'elle fut. Et dans laquelle les phrases coulent comme un peu d'eau salée sur les doigts de qui les ramasse. Qu'elle n'est plus par la grâce tragique de cet instant. Les images s'en reviennent, par instances, détachées de leur vibration vivante et première. Flottantes. Elles se condensent un bref instant dans l'esprit, avec l'insistance de ce parfum dont il fallut des semaines pour se défaire, jasmin et fleur d'oranger, en équilibre, peut-être l'évocation solaire d'une pêche.

Scintillement.

Un éclat plus tranchant que les autres
entaille en rejaillissant le coup de pied. Une estafilade court tout du long, procède par pointillés plus ou moins profonds. Par endroits, le long de cette ligne presque droite, le sang est seulement visible, à d'autres, il perle, pourrait presque couler. Absorbée par le parfum et les effluves fantomatiques de ses souvenirs, elle se penche et ramasse le précieux liquide à présent répandu, sans voir le sang qui a présent coule sur le sol et forme peu à peu une première empreinte de son pas.

1 commentaire:

  1. L'éclat tranchant du souvenir, un parfum qui conjugue le passé.
    Magnifique atmosphère.

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