Il faut reprendre le mouvement.
Toutes les silhouettes ont disparu de la cour, les ombres se sont fondues les unes dans les autres, et quelque chose comme le froid de la nuit monte, avec toute la force que peut exercer un univers qui bascule. Au point de basculement, il se déploie toutefois un calme étrange, alors même que tout s'effondre constamment, rien ici n'en transparaît, il semble seulement qu'un soir tombe sur le bâtiment, un soir de plus, rien que cela. qui laisse, un temps, immobile sur ce temps. Il est impossible de ne pas se demander dans quelles directions divergentes sont parties, à travers le dédale de ce monde, toutes les silhouettes qui autrefois, dans la longue suite des années, se sont croisées là, y ont entremêlé leurs vies, quelques années durant. La question reste en l'air, dans la nuit qui commence, sans espoir de réponse.
Il n'y a pas même l'attente d'une réponse.
Puisque le silence nous enveloppe, nous entoure, que nous sommes plongés en apnée dans le silence, il n'y a plus qu'à se lever pour repartir, il faut remonter à la surface, reprendre de l'air, soutenir le rythme diastole systole d'un autre rythme alterné, inspiration, expiration, et c'est à ce moment d'avant le mouvement qu'il paraît le plus improbable d'initier le mouvement. Juste à cet instant qui précède le mouvement, l'immobilité paraît la plus opaque et la plus pesante. La nuit d'encre s'est répandue sur la cour, sur les souvenirs de l'enfant qu'on a été, sur les mouvements qui se sont esquissés ici, lancés à travers l'espace, et voilà qu'à travers la suite de tous les jours, on est revenu s'asseoir à la même place, dans la même position, exactement, que celle de l'enfant qu'on a été.
Et une immense solitude enveloppe l'enfant qu'on a été. Il ne reste plus qu'à rentrer, coucher sur un écran ces éclats qui restent en nous du rythme diastole systole, il ne reste plus qu'à le retrouver dans le rythme des phrases, retrouver ce rythme avant de le perdre, et sous la lumière de la lampe, à côté de la clarté bleutée de l'ordinateur, se souvenir de nos étés.
J'aime votre écriture fine et décidée .L'école n'est elle pas le lieu de la perte, celle de notre lalangue ? L'enfant ne renonce donc pas devant ce qui ne cesse pas de ne pas s'écrire :-) (allerarome)
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