Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

vendredi 14 janvier 2011

Manuel anti-onirique, XLIX


Voici ce qu'on pourrait croire, ce qu'on pourrait dire. Admettons qu'il est possible de regarder les choses calmement, de tenir compte de tous les paramètres de sa situation, sans rien oublier. Admettons. Si seulement il était possible de voir les choses du point de vue de nulle part… Il n'y aurait pas beaucoup de façons de faire.

Du point de vue de nulle part, on dirait que son âme est tombée à terre, comme un objet matériel dont une des qualités secondes est d'être affublé dans ce monde d'un poids réel, on pourrait ajouter qu'elle a ensuite éclaté au contact du carrelage froid de la salle de bain, la dureté de la surface ne lui a laissé aucun autre choix, elle a alors éclaté précisément à côté de ses pieds nus dont l'un, le droit, en garde une longue estafilade, de laquelle, de loin en loin, en alternance, des gouttes de sang perlent.

Réaction cotonneuse, le désinfectant pique, son odeur âpre se mélange au reste de la scène, elle en répand quelques traits qui maladroitement coulent jusqu'au sol. Ruissellements minuscules, presque perdus dans un tissu.

Il lui fallait prendre garde de ne pas marcher sur les éclats de son âme, de ne pas en inciser la plante de ses pieds, de ne pas se couper en les ramassant, du bout des doigts, et de tout mettre à la poubelle, précautionneusement. Mais elle n'a pas tout pu empêcher. À peine brisés, les fragments de ses rêves sont devenus dangereux. Alors tout s'est répandu dans des effluves insistantes de souvenirs et de regrets. Elle qui déteste les larmes déteste plus encore ces débordements qui sont un rien sentimentaux, un rien écœurants. Note poudrée d'iris. Quelque chose s'est brisé, d'où s'échappe une odeur tenace de mélancolie, qui va imprégner ses vêtements, et comme une poudre grise, smoky eyes, les larmes coulent et emportent avec elles quelques traces de maquillage le long des joues.

Exercice minuscule. Elle ne va tout de même pas pleurer pour ça.

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