Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

dimanche 16 janvier 2011

Manuel anti-onirique, LII



Empreintes. Ses pas sur le sol. Le sang, dans cette situation particulière, permet la réitération des marques, et l'empreinte de son pied se colore sur le sol pâle, prend relief et épaisseur, mais ce n'est pas cela qu'elle cherche. Le hasard en l'occurrence a fait les choses à sa manière. Une fois de plus, un coup de dés ne l'a pas aboli, ne l'a même pas détourné. Empreintes. Ses pas sur le sable, qui vont rectilignes le long du rivage. La mer qui monte les efface ; elle disparaîtra donc quand toute trace d'elle sur le monde aura disparu. Ne serait-il pas plus cruel encore qu'elle demeure dans le monde sans qu'aucune trace d'elle n'y soit désormais perceptible ? Si elle se déplace à la surface des choses et que ses pas ne la suivent pas, alors peut-on encore dire d'elle qu'elle est présente ? Que serait-il encore possible de dire d'elle ?

Dans ce cas particulier d'effacement, toutes les propositions qui la nieraient seraient tenues pour vraies ; il ne se trouverait de par le monde que des vérifacteurs des propositions niant son existence, son passage même sur le monde, abolissant son être dans des rêveries illisibles d'écrivain. Elle aurait beau émettre toute protestation dont elle se sentirait capable, sa voix se perdrait dans le silence qui sépare les êtres, quelque part dans le silence qui sépare les êtres, exactement comme un message électronique qui ne parvient jamais à trouver son destinataire, qui ne parvient pas à traverser les limbes ni les méandres d'internet.


Empreintes. Les traces sont des vérifacteurs de notre existence. Sauf si elle va se perdre là où vont se perdre les messages qui n'arrivent jamais.

Truthmakers de nous-mêmes que nous nous donnons de nous-mêmes. Une fois de plus, s'assurer de sa propre existence. Rechercher dans les lignes qui courent sur l'écran de l'ordinateur, sous les yeux un peu vagues, la certitude perdue, celle que nous n'avons plus, celle qui nous affirme, en nous regardant droit dans les yeux, que nous existons encore, que nous sommes et que notre cœur palpite assurément puisque nos doigts s'agitent sur le clavier, marquent de leur rythme les avancées des phrases, au fur et en mesure, la poussent dans ses derniers retranchements. Se donner, de soi-même à soi-même, des truthmakers. Étrange occupation un dimanche soir d'hiver.

Quant à chercher sa vérité…

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