Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

mercredi 26 janvier 2011

Manuel anti-onirique, LXI


Alors… la transparence, alors l'élan perdu, autrefois vital et maintenant perdu.  Qui bientôt se réduira à une ligne montante et descendante sur un papier millimétré. En attendant… Diastole, systole. C'est de cela, n'est-ce pas, que l'on se souvient ?, et c'est cela qu'il faudrait pouvoir recommencer. C'est cela, cette petite palpitation, rythme binaire bien marqué, qu'il faudrait savoir retrouver dans les phrases, presque rien, il ne s'agit pas, loin s'en faut, de l'ample déploiement des ailes de la fiction, il suffirait ici, simplement, de retrouver cette attente du monde, saveur du soir, texture du crépuscule, crépitement du matin, et de reprendre place dans l'ordre des choses et du monde. Rien, ici, n'est en construction, c'est juste que les clefs sont perdues, quelque part, à un moment, les choses sont allées de travers, elles sont parties de côté. 

Et toute la suite de toutes les minuscules tragédies qui s'en sont suivies serait trop longue à raconter.

L'enfant ramasse sur un vieux coffre de bois sombre le merveilleux porte-clefs de sa mère. C'est un miracle qu'il soit à sa portée, juste à sa portée. Le porte-clefs est aussi beau qu'il est possible, la convoitise ne laisse de place à aucune hésitation, sa mère est aussi belle qu'il est possible, et la perfection, un instant, paraît de ce monde. L'objet dans sa main est un pur miracle, d'ailleurs il est immense, il était impossible de prévoir que, dans sa main, il serait si grand, la petite boule qui se dévisse d'un côté pour permettre d'enlever, de remettre les clefs (diastole, systole), exerce une fascination sans limite, infinité du mouvement circulaire qu'il croit éternel (à cette époque on croit à l'éternité), même minuscule. Il s'en est suivi toute une suite de minuscules tragédies. La petite boule de pur argent a roulé sous l'armoire. Cliquetis. Quelques rebonds. Le métal sur le marbre. Elle luit, à présent, hors d'atteinte. L'objet disloqué n'est guère plus présentable, n'existe plus vraiment. Décidément, cette expérience première est décisive, et les conclusions vont leur train (tout se disloque, tout s'effiloche). Peut-être est-il plus simple de protéger les adultes de cette vérité qu'ils ignorent certainement, et de cacher le porte-clefs, loin, très loin de soi, du monde, d'oublier cette dislocation, on entend déjà la dissonance, alors il suffit de pousser les clefs sous l'armoire, elles rejoindront la minuscule boule d'argent, et les adultes n'en sauront rien. C'est une manière de restaurer la texture du monde, de réparer les accrocs et les désillusions. Tout est en place, pour un bref moment.

À l'évidence, le mécanisme subtile ne fonctionne plus.

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