Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

samedi 22 janvier 2011

Manuel anti-onirique, LVI



Disparition, dislocation. 

C'est donc le sort qui fut fait, sans l'ombre d'un scrupule, à cet encombrant personnage féminin, au fond assez peu dessiné. Sa silhouette se fondait dans la buée du miroir, elle est sortie du cadre, tant pis pour elle, son sort est réglé. Le moi est haïssable ; elle l'était aussi. C'est, on en conviendra, quelque chose comme un petit meurtre littéraire, sans excuse, sans passion, accompli très froidement dans l'atmosphère humide et surchargé de parfum d'une salle de bains, mais la façon très geignarde qu'elle avait de dire "elle" à la place de "je" au fond n'aura trompé personne, du moins on peut le supposer, depuis les premières lignes de ce texte, dès les premières lignes du texte. 

Il reste à espérer que sa disparition ouvre aux phrases un espace qui leur manquait, une  respiration qu'elles cherchaient dans les chemins de traverse de la ponctuation, une musique qui doit être  la sienne et dont la mélodie n'est pas toute entière en place. Ce personnage féminin, à lui seul, avec obstination, s'interposait entre la vitre et le monde, elle cachait la fenêtre comme un voisin massif dans le train empêche de voir le soleil rougeoyant qui disparaît à l'horizon, le mouvement de la ligne découpée et complexe du crépuscule. Parler d'elle à l'imparfait est une délivrance du présent. Ainsi fut-elle  : renvoyée dans les abîmes de silence qu'elle n'aurait jamais dû.

Il reste l'air glacé de l'hiver. 

Sa pure façon de pénétrer les poumons. La brûlure de l'été. Et les fulgurances étincelantes du soleil. Il reste à trouver la place exacte de l'écriture (ailleurs que dans ses yeux embués). Il faut croire que dans la solitude des phrases, le déploiement en sera plus acide, les vibrations, plus instables, les perceptions, plus fines. C'est une tentative. Si elle échoue, il y en aura d'autres. Elles ne cesseront  pas. Elles ne cesseront jamais. Mais à ce moment du texte, pour la première fois, il y a un élan, un appel, dans lequel choisir de s'engouffrer. Comme un courant d'air.

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