Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

samedi 29 janvier 2011

Manuel anti-onirique, LXV


Au fur et à mesure que l'on cherche à retrouver les souvenirs, à les retrouver dans les impressions fugaces, que l'on remonte le cours des choses, le cours du temps, ils s'effacent. Ou peut-être, simplement, ils reculent, toujours un peu plus loin, de sorte que, sans disparaître, on continue de tendre la main vers eux sans pouvoir les saisir. Il y a un jeu curieux de contre balancement, aussi déstabilisant qu'il est possible, et dont le déséquilibre se propage à toute chose de ce monde. La cour ponctuée d'arbres équidistants les uns des autres, plantés régulièrement, se noie de l'obscurité qui ruisselle en elle. Ils disparaissent sans toutefois effacer la trace de ce qu'ils furent dans les méandres de la vision.

Traces de ce qui fut, signe noir d'encre dans le crépuscule à présent presque achevé,  qui continue de dire quelque chose, presque inaudible.

Rester assis, immobile, sur ce banc de pierre, à chercher dans sa mémoire le souvenir d'un visage vu d'innombrable fois. Autrefois ne se laisse pas saisir. La tête penchée en avant, regard perdu dans le dédale des escaliers horizontaux des jointures des dalles, au premier plan, les genoux et les pieds qui autrefois, sur ce même banc, ne touchaient pas le sol. Rester assis, immobile, désespérément, à chercher dans ses souvenirs ce visage, et ne pas parvenir à autre chose qu'à une évocation imprécise des traits qui se défont dès que le regard tente de s'y poser. 
 
Alors que la nuit, dans les rêves implacables, le même visage serait capable d'apparaître avec une précision photographique, et désespérante de netteté. À croire qu'il n'y apparaît que parce que les rêves se disloquent au matin, et qu'on n'en retiendra rien. Il est là, assurément, quelque part dans les dérives des trajets entre les neurones, quelque part en soi. Autrefois ne se laisse pas ressaisir. La cour lentement bascule dans la nuit, et il est possible, presque, de croire ce temps revenu, et d'attendre de nouveau la douceur des jours.

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