Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

dimanche 9 janvier 2011

Manuel anti-onirique, XLVI


La pulsation et la couleur semblaient un bon début.

L'eau en éclaboussures dans la lumière. Rien de tout cela n'aurait été possible sans un rayon de soleil au cœur de ce matin d'hiver. Quand son corps est passé sous la surface, dans une courbe glissante, il a entraîné à sa suite tout un désordre d'air qui s'est mêlé à l'élément liquide pour ressortir aussi vite. Dans le rayon de soleil qui tombait en oblique par la fenêtre ouverte, on pouvait voir, si on gardait son visage presque immergé, toutes les bulles d'air remonter dans un tourbillon, toutes les bulles transparentes tourbillonner d'abord, quelques instants, sous la surface, puis retrouver approximativement une légère verticalité, et ensuite, au dessus de la surface troublée par son plongeon, une effervescence non démentie rebondissait encore et encore, longtemps après la fin de ce mouvement, longtemps après que la nageuse s'était éloignée. Il restait cette magie jamais aperçue encore, de ces éclaboussures qu'une lumière rasante rendait visibles.

La couleur et la pulsation. Précision des impressions quand la conscience se tait, un instant.

Les phrases refluent devant la présence du monde. Impression pure. Couleur. Quel peintre nous l'a donnée ? Tout est confus, sauf la couleur et la pulsation. Après pourront recommencer la patiente errance pour la retrouver, les strates de phrases qu'il faudra traverser pour s'y replonger, mais au moins, dans le temps premier de cette impression, dans la note parfaitement claire qui en est sortie, il a été possible de la voir. Bleu pur (dans un rayon de soleil hiverna), et les éclaboussures, transparentes, minuscules, infinies. Ce qui n'est rien, encore, au regard de la présence de cette étendue imprévisible et immense, qui, un jour, il ne peut en être autrement, reviendra dans le regard. Il ne peut en être autrement sans quoi l'exil n'aurait jamais de fin.

Il faut croire l'exil moins infini que la mer.

Dans l'eau, mouvement glissé, la respiration calée sur les gestes. Il suffit de chercher la coïncidence, mouvement glissé, la tête à peine hors de l'eau, les yeux ouverts ou fermés, cela n'importe pas toujours, et l'air qui entre dans les poumons au moment où la tête sort de l'eau, à peine, juste de quoi respirer, la bouche s'entre-ouvre, pas plus qu'il ne fait faut pour inspirer l'air l'air expiré, sous l'eau, fait un bruit régulier, calé sur la régularité des mouvements, il n'y a plus que cela, l'élément liquide, et le bruit, en lui, de la respiration qui vers la surface fait remonter des bulles d'air, puis de nouveau, plongée sous l'eau, et la perception transformée des impressions mobiles. Ce que chaque mouvement recommence. Inspiration. L'air, la lumière mais cela n'importe pas, mouvement, la couleur, bleue, et le bruit de la respiration calée sur les mouvements parfaitement réguliers. Tant que cela durera.

Coïncidences minuscules.

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