Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

mardi 25 janvier 2011

Manuel anti-onirique, LX


Ce qu'il faut accrocher, ici, dans la lumière imprécise, indéfinie, ce sont des éclats d'enfance. 

La particularité de cette époque est son accroche au monde. On cherche. Pas sûre que la bonne piste soit là, mais pour le moment, tout a échoué, et il n'y a rien à perdre. Absolument  plus rien à perdre. Souffler sur le château de carte, alors, permettait seulement de le reconstruire dans les interminables après-midis de pluie. La marée montait et balayait le château de sable, et ce qui s'ouvrait n'était qu'une nouvelle journée, attendue obstinément et impatiemment, vers laquelle déjà on tendait à travers la nuit silencieuse. 

Difficile, dans le présent froid et corrosif, de se convaincre qu'elle s'est enfuie, si loin, si vite, alors que, certes, tout passe, même les fleuves, cela ne pose pas problème, on le sait bien, on en joue, les jeux intellectuels sont souvent cruels, mais l'enfance… il est plus difficile, vraiment, de s'en convaincre, et la lumière de ce matin qui pourrait être n'importe où dans le monde, à condition qu'elle soit dans un lieu absolument inconnu, pourrait être aussi n'importe où dans le temps, et il serait possible de remonter un peu dans le passé, très légèrement, à peine, à cette époque où les portes derrière soi ne s'étaient pas fermées les unes après les autres avec un bruit sec. Le visage se creuse déjà qu'on ne parvient toujours pas à se dire que l'enfance est enfuie.

Si seulement l'écriture, les phrases, le déroulé des phrases, et les mains sur le clavier pouvaient retrouver un peu de cette fluidité du monde, tout ne serait pas perdu.

Des images d'une précision infinie jaillissent du passé dans le présent, il suffit d'un rayon de soleil qui filtre à travers les rideaux, pour que des images s'insinuent entre les paupières. Tant que cela n'est pas trop douloureux, il est possible de jouer à les retenir, de les regarder passer comme des nuages sous les paupières. Il est possible de jouer à cela sur le fond rouge de la vie qui palpite dans les veines, et sans doute, d'un très léger commencement de migraine. La douleur pulse doucement, mais l'enfance aussi bat dans les veines devenues saillantes au dessus de la tempe. Le battement du cœur est repérable à chaque alternance diastole, systole, mais cela prouve qu'il y a encore un peu d'enfance. 

La caresse rêche de l'oreiller confirme un bref instant l'hypothèse précédente.

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