Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

dimanche 9 janvier 2011

Manuel anti-onirique, XLV


Au point où tout cela est parvenu, il n'y a plus rien. Rien qu'un battement. Une pulsation. Comme quand on court, enfant, que le cœur bat, dans les tempes, pulsation, la course, le cœur qui bat, les vibrations du sol dans les pas, qui remontent dans les jambes, à chaque nouveau moment de la course, et qu'importe qu'on soit essoufflé ?, à bout de souffle, cela n'importe pas, courir, descendre la colline, cela seul compte, dévaler la pente, le plus vite possible, arriver en bas, l'élan, le cœur s'emporte, les poumons explosent, cela n'a aucune importance, aucune. Mais la pulsation.

Bien entendu, tout cela, à présent, est beaucoup plus faible.

Mais tout de même, il reste quelque chose. Comme une pulsation. Un choc léger. Constant. Au fond, la sonorité de son cœur à présent est mate, comme le bruit qui naît de la rencontre de la masse minuscule d'un oiseau, trompé par la transparence de l'air, à cause du piège que constituent pour son envol les deux fenêtres en enfilade, qui heurte de plein fouet la vitre et s'écrase, estourbi, sur le sol, et du verre impassible dont la vibration sourde n'aura d'autre intensité que celle de la violence du choc.

Ce n'était pas du tout ainsi.

Les circonvolutions de l'envol n'auraient pas permis d'en présager. Comment l'imaginer, en plein vol ? Dans la liesse du mouvement pur… Une courbe ouverte à l'infini (il n'y avait aucune raison de la clore là, à cet endroit précis de l'espace et du temps, ce fut absolument insignifiant et terrifiant, tout à la fois), qui, avant de commencer son ascension vers le bleu pur du ciel, s'amusait encore un instant, un seul, de la tension jamais assouvie de l'asymptote, heurte de plein fouet la surface de verre absurdement lisse et transparente. Alors il ne reste rien, que le battement du cœur. Un heurt léger. Régulier. Une régularité pure. Obstinée. Celle qu'on perçoit, très loin, derrière les ornementations, indépendamment d'elles, indifférente à elles, toujours la même. La pulsation soutenue de la musique du monde. Un battement. Capable d'accélérer la cadence, mais au fond, régulier.

Pour le dire, c'est une cadence, qu'il faut trouver. Celle qu'on trouve au cœur de l'épuisement. Quand il ne reste qu'elle pour porter le corps. La fatigue a tout usé jusqu'à la corde. Et il ne reste que cela, la cadence d'un battement. La régularité de la pulsation. Au cœur solitaire du monde.




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