Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

samedi 29 janvier 2011

Manuel anti-onirique, LXVI


L'impression est ondoyante.

Quelque chose recule et se dérobe dans les profondeurs de la mémoire, qui pourtant est bien là, en soi, une image, un visage, mais non, plus que cela,  ou moins que cela, l'impression primordiale recherchée par la suite dans toutes les impressions secondes du monde, impression première de ce que c'est qu'être au monde, impression profonde que le monde est là, dans lequel il est possible d'être plongé, celle selon laquelle s'y glisser est une possibilité ouverte, offerte, selon laquelle, si on l'en croit, les impressions alors se démultiplieront, se referont, se recomposeront, et tout cela conservera dans toute la suite des temps une fluidité vertigineuse et inlassable…

Contre quoi l'oubli fait barrage. 

Le monde a beau glisser dans l'oubli, basculer lentement, presque insensiblement, on se sent, là, immobile, prostré, presque aussi grave que cette pierre immense dont le froid gagne peu à peu les jambes, descend le long des cuisses, et commence à propager son immobile attente jusque dans la conscience. On se sent là, pétrifié par le temps et l'oubli qui gagnent sur les battements de notre cœur, qui autrefois, ici, battit de son rythme diastole/systole si vite dans les courses et les jeux qu'il était prêt d'exploser de bonheur. 

La cour est presque la même.

Les arbres sont presque les mêmes, la façade sans doute a été nettoyée,  il a bien dû se passer quelque événement dans le cours des années qui séparent de l'enfant qu'on a été, certes, il est difficile de ne pas le supposer, il serait vain de s'en défendre, les volets des fenêtres sans doute ont été repeints, assurément les suites des générations se suivent, et se poursuivent, dans le long déroulé des couloirs latéraux, mais voilà qu'on est assis au même endroit, celui d'où l'enfant qu'on a été prenait son envol dans les jeux, et à présent on est immobile et transi, saisi du froid de la nuit qui monte peu à peu. Rythme diastole/systole. Emballement des pas dans la course, et les rires, et les joues en feu de bonheur fou.

Voilà qu'on sait, au moins, ce qu'on a perdu.

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