Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

lundi 14 février 2011

L'∞, 20

Il faudra partir ; la lumière qui décroît indique très sûrement que les instants passent, que le temps qu'on a laissé filer, à la frontière de ce monde et de l'∞, nous rattrape, qu'il nous rapproche du train de 19h28, c'est-à-dire de la longue suite mécanique qui durera des heures, parenthèse suspendue dans laquelle il ne sert à rien de se débattre, et avec laquelle on sait qu'aucun assouplissement n'est possible, escaliers mécaniques, métro, escaliers mécaniques, train, longuement, escaliers mécaniques, métro, escaliers mécaniques, tout cela dans les grincements et les bruits sourds, alternance inharmonique, puis enfin, le retour à l'air libre, pour quelques instants, après la longue suite de respirations de cet air particulier qu'on ne trouve que dans les gares, et qui est décidément une composante étouffante du voyage.

C'est toujours la même question qui revient, comment ne pas étouffer dans la mécanique des heures ?

Il faudra partir, quelque chose se profile comme, dans le temps, une réponse à la frontière spatiale aux bords de laquelle on se tenait sans bouger, frontière entre un maintenant, aux bords de l∞, et un autre maintenant, confiné dans l'air pressurisé d'un TGV. Quelque chose se resserre lentement, qui est sans doute le moment où, par quelque déni de vertige, il faudra basculer de l'un dans l'autre, il faudra se laisser tomber en arrière, sans regarder derrière soi, surtout ne pas regarder, et repartir de là d'où on vient. Repartir ne sert à rien, repartir pour revenir la semaine prochaine, pour ensuite s'arrêter de la même manière au bord de la mer ulysséenne, regarder encore une fois son déploiement, et une fois de plus, repartir en arrière, en ayant seulement regardé l'∞ possible, en ayant seulement croisé la possibilité d'Ulysse.

Mais de la possibilité d'Ulysse, le mouvement de bascule se fera en arrière, on basculera en arrière, dans la longue suite mécanique et grinçante du voyage. À croire que cette mécanique s'attache à broyer les possibles.

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