Écrasement, froissement. Ma joue glisse et se pose sur mon bras, qui prend appui contre la fenêtre, mais elle ne donne rien à voir. Les ténèbres ont renversé leur encre et le monde est aveugle. Le train pendant des heures ne marquera pas d'arrêt. Froissement. Les pans de mon manteau s'enroulent autour de moi comme la nuit. Qu'y a-t-il d'autre à faire que de chercher un lieu minuscule dans la parenthèse du voyage ?
(Il devrait y avoir des floraisons de possibles, des ouvertures dans la suspension de ce temps, ce voyage devrait être la traversée géographique de représentations incroyablement précises, de scènes colorées étourdissantes, les rêves devraient se développer à foison, dans la veille et l'attente et l'impatience, et il n'en est rien.)
Dans le couloir, deux enfants jouent, gestes imprécis, et leur démarche hésitante, et leurs rires, des cascades de rires, et les bousculades légères. Puis retournent à leur place. S'asseoir. Visages bien alignés. Les uns à côté des autres. Nous sommes tous assis, les uns à côté des autres. Les uns derrière les autres. Alignement. Parfois, une case est vide. Un voyageur n'est pas monté, resté à quai.
(Il devrait être possible de se fondre dans la nuit, de rejoindre les ténèbres envoûtées, les ténèbres envoûtantes, il devrait nous être donné de respirer leur odeur froide, humide, de brouillard, et de mêler aux nuages bas de la nuit, mêlés à nos regards, la buée de notre respiration, trace fugace de notre souffle, de fondre cette minuscule exhalaison de nous-mêmes à l'∞.)
Au lieu de quoi nous négocions avec une ∞e maladresse, dans un lieu minuscule, une possibilité de caler nos jambes, notre nuque dans des angles d'attaque qui permettraient les rêves, qui ne les permettent pas. La tête penche. Les rêves vacillent, les angles se ferment, la tête penche, le monde bascule, et sous les paupières closes, il serait presque possible de chercher la possibilité d'Ulysse, mais une fois encore, le corps vacille et la conscience revient, se fixe au monde alentour. Enfermement.
vendredi 18 février 2011
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