Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

samedi 5 février 2011

L'∞, 3


Ce qui fascine, c'est que l'∞ peut être minuscule. 

Il n'est pas nécessaire d'y mettre les gouffres d'Andromaque (ce qui est d'ailleurs rassurant au seuil de ces phrases). Il suffit simplement de se représenter en son esprit, de concevoir le huit légèrement tordu d'un ruban de Mœbius. L'expérience de pensée suffit, mais en cas de refus réel et résistant des concepts, de toute pensée conceptuelle, on pourra aussi prendre un ruban, et le refermer en un huit, mais en prenant soin de tourner une fois la matière, de sorte que le recto se colle sur le verso. Puis on cherchera, du doigt ou de l'esprit, l'intérieur et l'extérieur de ce ruban, et indifféremment, on passera de l'un à l'autre, il sera impossible de mettre un terme autrement qu'arbitrairement, par lassitude, ou parce que notre concentration atteint là les limites de dont elle est capable. Et on aura atteint à un ∞ minuscule. Du moins on l'aura entrevu.

Cela posera d'autres problèmes, qu'il nous soit possible, à nous, être finis, de concevoir en notre esprit un ∞ dont ne pouvons pas être cause… laissons, pour le moment, puisque nous recherchons ces bribes d'∞ qui se présentent pourtant dans notre expérience du monde fini. Évidemment, on aurait pu pousser la préciosité du texte jusqu'à écrire ∞ barré, ou "non ∞" pour parler du fini, mais sachant que la moitié des lecteurs disparaissent à la première formule logique, et ainsi de suite, à toute occurrence de toute formule logique ou mathématique, on s'en abstiendra. Il demeure satisfaisant pour l'esprit que le symbole même de l'∞, légèrement tordu, devienne dans le monde un minuscule ∞.

Ligne de fuite ou entrelacs sans intérieur ni extérieur, desquels il est impossible de sortir. Après tout, c'est bien ce que fait la ligne de fuite, à l'horizon qu'elle ouvre dans le tableau. 

Le train filait dans un paysage de plus en plus bleuté, de plus en plus brumeux, dans un presque crépuscule. Il donnait l'impression de traverser un tableau de Breughel, de s'enfoncer de plus en plus loin dans les zones bleutées et brumeuses de ses arrière-plan, de mener dans les confins d'un tableau où les traits sans perdre en précision se perdaient cependant dans les lointains…

Et en effet, il donnait l'impression de se perdre dans les lointains.


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