— Dépêche-toi !
— Attends-moi, j'arrive ! je peux pas faire plus vite…
Après la marche sur le quai et la brève plongée dans les enfers, les événements, le lendemain, reprennent leur cours. Saccades. Le temps se morcèle, et parfois, tombe en très fines mosaïques sur le sol. Des parties minimales de temps nous sont allouées. Découpage dans la trame du jour. L'œil inquiet se rive à la montre, constate les avancées, ou les lenteurs, s'inquiète, projection de ce qui sera dans ce qui fut, à ce qui est, il est difficile de se tenir. Projection par saccades. Nous trébuchons. L'attente est inquiète, elle tisse d'angoisse le moment, colore les fils de nos pensées.
— Tu as préparé le texte pour l'intervention de demain.
— Non, pas tout à fait, j'aurais besoin d'un peu de temps aujourd'hui pour…
— Qu'est-ce que tu attends ?
Effiloche. Nous prenons des élans qui s'arrêtent, des gestes qui se dessinent ne seront jamais terminés, ils ne s'inscriront pas dans l'orbe vaste qui leur serait propre. Manque d'ampleur. Manque d'espace. Nous sommes enserrés dans des parenthèses étroites, qui peu à peu, comme des aimants, se rapprochent les unes des autres. Nos phrases, entre guillemets, font des dialogues ténus, que nous n'écoutons pas.
La possibilité d'Ulysse est loin, disparue à l'horizon.
Mais nous nous gardons bien de regarder à l'horizon. Notre regard est concentré sur la très fine surface qui, devant nous, aligne des chiffres et des lettres. Focale de notre monde. Ulysse est loin dans une autre ligne tendue. Nous tenons à la nôtre comme à une hallucination qui, soudain apparue devant nous, concentrerait toute attention, demanderait toutes forces de notre être, Ulysse au loin, continue de s'éloigner, il sort de la portée de notre voix, le vent le porte, et la mer lui est favorable, il sort de la portée de nos regards, et voilà qu'à présent, à cet endroit du monde, il est sorti de nos pensées.
samedi 19 février 2011
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire