Évidemment comme toujours, tu n'as rien répondu. Tu ne réponds plus à mes questions. C'est devenu une habitude, je pose des questions, j'essaie de comprendre, j'essaie de te comprendre, et plus l'horizon s'éloigne (tu sais, l'horizon où disparaît la possibilité d'Ulysse, il n'a pas tort, j'en conviens, un jour…), plus je me retrouve prise, enserrée, étouffée, dans une place obscure, opaque comme de la naphte, pétrole brut, non raffiné, celui qu'on a trouvé pendant tout un été sur les plages, parce qu'un bateau avait coulé à pic et que ses flancs avaient été éventrés par la houle.
Autrefois, je m'en souviens, je mettais ma main dans la main tiède qui se tendait vers moi, et je posais toutes les questions qui me venaient à l'esprit, en recevant un pain au chocolat, les questions s'échappaient de mes lèvres, je regardais alentours et les gestes avaient une spontanéité que je ne me représente même plus. Elles flottaient dans l'air transparent, et souvent, je sentais un sourire qui se posait sur moi. Et la scène se répétait à l'∞, je croyais qu'elle durerait toujours.
Maintenant, je n'y comprends plus rien… Tu es redevenu opaque et mystérieux, inerte, gluant, ta matière a changé d'état, on dirait que tu t'es saisi de ce mot affreux, sans élan, "colloïdal" et que tu le répètes dans toutes les occurrences possibles, tu le changes de contexte, mais depuis des années, je n'entends plus que cela dans ta voix, et j'ai beau faire tout ce que je peux, je crois que je ne lésine pas, je crois, si je regarde au plus clair de ma conscience, là où palpite un peu de vie encore, diastole systole, pour le moment le rythme est calme et régulier, le médecin m'a même dit que je vivrai jusqu'à cent vingt ans, je peux dire que je fais vraiment tout ce que je peux.
Mais rien n'y fait. Plus rien n'y fait. Il n'y a plus de maintenant, il n'y a plus grand chose, ce n'est pas une destruction spectaculaire et éclatante, non, seulement cela, le monde est devenu doucement informe, colloïdal, comme dans un cauchemar de Dali.
Maintenant ne veut plus rien dire… tout s'échappe de mes mains, et la possibilité d'Ulysse a disparu à l'horizon ∞.
dimanche 20 février 2011
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire