lundi 21 février 2011
L'∞, 31
Où vais-je te chercher à présent ? Où porterai-je mes pas ? Je ne sais plus où aller. Voilà que je demeure, immobile, bras ballants, tête levée, au milieu de ce carrefour, sous la pluie. La pluie qui ruisselle sur mes jours n'est pas tristesse. Mais quel vide immense s'ouvre dans l'espace du monde…, est-ce cela l'∞ ?, ici, les tours ne s'élancent pas, les lumières électriques ne sont pas devenues sidérales, alors elles ne les transcendent pas de leurs incandescences hystériques. Et même la foule ne s'avance pas de ce pas calme, qui la rendait semblable, sous la pluie fine et incessante, à rien d'autre qu'une pensée opalescente qui passe dans les ténèbres opaques de nos représentations.
Où chercherai-je Ulysse, où chercherais-je sa possibilité, et celle, même, de la mer ∞, comment serait-il possible, par des détours et des stratégies sidérants, de les conserver en son cœur, si tout mon temps est fracturé, fragmenté comme sous l'effet d'une déflagration silencieuse, et si, par les fissures infimes qui lui sont faites, tous, ils s'éloignent au gré du vent ? J'ai perdu l'unique boussole de mes rêves, l'aiguille aimantée s'en est détachée, north-north-west … Ulysse… je continuerais de te chercher s'il était possible mais est-il encore possible de te chercher autrement que comme une ombre en cherche une autre, dans le désespoir de la nuit ? Je ne sais plus où porter mes pas au milieu de ce carrefour trop étroit… north-north-west… la possibilité d'Ulysse est inscrite quelque part dans le monde, mais l'aiguille fissuré de ma boussole ne me guide presque plus dans ces méandres …
Comment faire pour n'être pas seulement une ombre parmi les ombres ? Je crains parfois qu'il n'y ait pas de solution, qu'aucune magie ne puisse nous protéger comme cette dissolution de nos êtres. Quel invraisemblable détour Ulysse a-t-il fait de sa vie toute entière pour n'être pas une ombre parmi les ombres ? Comment pourrions-nous n'être pas que cela, rien d'autre que cela, dans le crépuscule, et voilà que les ombres que nous sommes devenus s'étirent sans fin, s'allongent dans la nuit, perdent leur verticalité, … north-north-west …, vacillent au vent du réel, se coulent dans les profondeurs les plus opaques de la matière, et se perdent, pour finir, dans de minuscules étouffements.
Il suffit d'un minuscule étouffement pour que se perde tout espoir. Un minuscule renoncement à ne pas étouffer. Une lâcheté infime. Et c'en serait fini de la possibilité d'Ulysse.
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