Ma main en un geste tremblé. Ne sort-on jamais de cette zone imprécise qu'on n'en finit jamais de traverser et qui nous entoure, qui nous enveloppe comme un voile brumeux ? Ma main, en un geste tremblé, se lève et ne se lève pas. Elle tient du bout des doigts cette matière friable et crayeuse dont l'usure à la surface du monde dessinera quelques signes sur lesquels leurs yeux se poseront, et dont ils suivront le déroulement. Un instant ma main se lève et ne se lève pas, le temps demeure, à son geste tremblé, suspendu et que cet instant n'ait aucune extension n'empêche pas le moins du monde qu'il soit ∞.
Ne cesse-t-on jamais d'être l'enfant qu'on a été ?
Pourquoi, dans la poussière de ce monde friable, lumière électrique d'un néon hésitant, se détachant sur le mur gris du temps passé, l'enfant qu'on a été choisit-il soudain de réapparaître, ici et maintenant, sans prendre garde à rien, sans tenir compte le moins du monde qu'il rompt soudain le cours du raisonnement et le développement des idées abstraites et maîtrisées qui un instant auparavant encore, se déployaient dans le silence ? Sa présence manifeste et limpide se dessine entre soi et le monde, petite figure tremblée, sans qu'il soit possible de se détourner de son regard transparent. Son attente inquiète est toujours tangible et il faudrait faire quelque geste en sa direction. Je ne sais pas comment lui prendre la main.
Alors ma main, des années plus tard, se lève et ne se lève pas.
Comme autrefois, face à la paroi infranchissable de son ignorance, l'enfant qu'on a été levait une main douce et ronde pour essayer dans le geste commencé d'inscrire sur le monde la réponse demandée (qu'il ne savait pas, comment l'aurait-il su ?, son esprit étant plein de formules magiques et oniriques, qu'aucun adulte jamais n'aurait pu comprendre, que personne jamais ne lui demandait). Alors l'enfant qu'on a été devant le tableau noir et crayeux levait la main, dans l'espoir que les signes seuls, dans un déroulement fabuleux, s'écriraient sur la surface verticale et opaque, sans qu'il ait rien d'autre à faire que de se laisser guider par la craie sans contrarier son mouvement.
Il faudrait que quelqu'un guide ses pas dans les décombres ∞ de ce monde, et je ne me sens pas capable de le faire.
vendredi 25 février 2011
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