— Tu comprends le mécanisme ?
— Oui …
— Tu vois la dynamique, l'élan ?
— Je crois, oui.
Passer les vagues, sentir le courant. Dans le monde, dans le temps, il doit, il ne peut pas en être autrement, se produire les mêmes phénomènes immenses que le cadre bien défini d'une journée ne suffit pas à briser. Suivre la marée. Tu continues à aller où tu veux, là où bon te semble, où te portent tes pas, mais l'amplitude du monde et de ses mouvements propres est telle qu'ils ne se laissent pas ignorer. L'affrontement radical et frontal avec le réel ne me paraît plus une bonne stratégie en d'autres termes.
— Je comprends …
— Alors continuons à chercher Ithaque.
Le trait tendu à travers le réel, qui le transperçait comme une flèche, vient de disparaître. Il s'est rompu. Simplement par l'effet de ma volonté. Ce n'était donc rien d'autre que cela. La ligne qu'il dessinait, droite et immuable, s'efface peu à peu dans le jour, et sur son tracé défunt se constituent autant d'éclats de lumière qui se répercutent sur toutes les surfaces qu'ils rencontrent, tout ce qu'ils trouvent, verre, métal, même le plastique leur sert à produire une dernière vibration dans le jour, les vitres des voitures, les montres passées autour des poignets, les écrans des téléphones portables. Quand elle se rompt et se disperse, elle cingle le monde et mon regard une dernière fois. Mais c'est la dernière fois.
La métaphore est en place. Imaginons qu'il en soit ainsi, très exactement, jouons le jeu, prenons-la comme une description, je veux dire, prenons cette métaphore au sérieux, selon laquelle une pièce métallique, profondément fichée dans le temps, dans le jour, et qui bloquait, arrêtait, freinait les impressions, rendait le monde grinçant, on ne peut pas complètement écarter l'hypothèse qu'elle avait rouillé, que des strates de rouille l'avait épaissie, déformée, vient de voler en éclats.
— Il faut comprendre les mouvements et les laisser se faire.
— Et les mots les accompagnent.
— Si tu veux.
À présent, le mouvement reprend son cours, infinitésimal, les gestes deviennent fluides, le langage se coule dans les interstices, les possibles se délient sans que leur ruissellement sur le monde soit arrêté, par rien, le commencement du mouvement est la chose la plus difficile du monde, mais une fois qu'il a commencé, il faut s'attendre, à un ruissellement de possibles et des phrase sur le monde. Bruissement des phrases et des possibles. Tremblement. Comme une larme dans le regard.
Il n'est pas possible d'étouffer plus longtemps.
lundi 11 avril 2011
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