Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

mardi 19 avril 2011

L'∞, 121

Entre deux mondes, ici et là, là et ailleurs. Ailleurs, surtout. Ailleurs qu'ici, autre part, encore plus loin. J'ai tellement insisté que, le lendemain, nous y sommes retournés. N'importe où. Encore plus loin, dans quelque région du pays de l'entre-deux, nous nous sommes avancés dans l'ailleurs du pays de l'entre-deux-mondes, enfin bref, je ne sais plus, je serais bien incapable de le retrouver, d'y revenir seule, vraiment, j'en serais incapable, mais tellement loin de tout qu'il a commencé par refuser quand je lui ai demandé, et puis il a accepté, sans que je sache pourquoi, sans que je connaisse la raison qui l'a fait changer d'avis, je crois d'ailleurs qu'il se garde bien de me la dire, qu'il pense que, si imprudemment, incidemment il me la disait, alors je ne cesserais plus de m'en servir, et que j'irai ainsi où je voudrai, alors il refuse obstinément de me dire pour quelle raison irrationnelle il a changé d'avis, et m'emmène à sa suite, dans ses pas dans cette région très reculée de l'entre-deux-mondes.

Si seulement je pouvais dire qu'il a changé son esprit. He changed his mind mais les mots me le refusent, et quand ainsi je les assemble ils se désassemblent, je ne les tiens pas, ils ne restent pas ainsi ensemble, ainsi assemblés mais se décomposent, la phrase ainsi est instable et se désagrège sous mes pas.

D'ailleurs, j'ai failli tomber. Mes pas pour aborder sur le banc de sable furent hésitants et instables, le sol meuble et mouvant portait mal les traces, assurément il les refusait, se refusait à elles, si Ulysse n'avait tenu ma main elles se seraient bel et bien, corps et âme, perdues dans des flaques d'eau instables, remplies par la marée, par elle vidées, alternativement l'un et l'autre, l'un n'allant pas sans l'autre, tout se mêlait alchimiquement, l'autre n'allant pas sans l'un, le sol se dérobait lentement et sourdement, sous mes pieds nus, au point qu'il me fallut bien admettre que les éléments mêlés les uns aux autres, à l'exception du feu, formaient un monde aquatique, aérien, sablonneux instable et perfide qui rendait difficile de cartographier entièrement l'entre-deux-mondes. Je dus l'admettre et bien qu'il ne répondît rien, Ulysse semblait content de cet aveu fait aux rives extrêmes du réel.

Nous avancions en silence entre les flaques d'eau salée. Parfois l'eau montait presque jusqu'à la taille, il fallait d'une empreinte légère, presque insensible (je ne peux pas penser qu'Hermès y était étranger) trouver des cheminements en relief, et ne pas s'arrêter, ne jamais s'arrêter d'avancer sous peine que le poids du corps ne l'enfonçât dans le sable, à la verticale de son point d'impact, et qu'ainsi sa perte fût assurée, dans des sables par lui seul devenus mouvants, par sa seule imprudence et par son insistance, là où il aurait fallu passer silencieusement.

Hermès assurément nous protégeait, et faisait nos traces insensibles.

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