Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

vendredi 15 avril 2011

L'∞, 114

Aller. Et puis retour.

Entrer dans le cercle de craie de tes rêves ne rend que plus violent et caillouteux le chemin qui ramène au monde. La chute est brutale. Je parviens parfois, par la grâce de mon désespoir qui jamais ne demande rien, qui jamais ne quémandera, à me hisser dans les rêveries les plus vastes que l'Océan roule en son sein, à recevoir l'écume et les embruns dans le creux de mes mains, à découvrir les enroulements les plus subtiles laissés sur le sable par les flots, et cela n'empêche en rien qu'à un moment, il ne faille, de nouveau, respirer l'air crayeux d'un salle de réunion, et supporter les jeux entrecroisés des regards assassins (aucun jamais ne parviendra à m'atteindre, c'est entendu), mais je me croyais à l'abri du réel et il n'en est rien, m'y voilà replongée. Etroitesse alors. Que les murs semblent proches, et tristes, et lépreux.

Je préfèrerais ne pas m'en revenir.

Les pas, je n'en douterai plus, sont différents quand on les porte avec le certitude intense que leur trace bientôt sera effacée par le temps, ainsi s'éloignent de moi les pas que je laisse sur une plage, effacés quand vient la marée, peu à peu, d'abord le cheminement se voit encore un peu, malgré la montée des eaux, le poids de mon corps, la plante de mes pieds nus ont laissé sur le sable humide, des marques, comme autant de preuves de l'appui qu'ils ont cherché dans leur avancée à la surface du monde, et même si ces traces se remplissent d'eau à la première vague, au point de luire au soleil quand la vague en retour se retire, même si, avec obstination, elles recommencent encore quelques fois cet exploit, elles finissent pourtant par disparaitre tout à fait avant même la tombée de la nuit. Mais comment se fait-il que peu de temps après, si peu de temps après, de nouveau, je sois ici, dans ce lieu où les minutes passent infiniment sèchement, et où le souffle me manque tant m'enserre une angoisse étouffante ?

Je croyais m'être tout à fait éloignée de cet endroit. Et voilà que de nouveau je subis son attraction nauséeuse. Le destin m'y ramène alors que je ne cesse pas un instant de chercher les courants qui m'en éloignent.

- Tu as trouvé ton Ithaque !
- Que veux-tu dire ?
- Tu vois, le seul problème, c'est qu'elle est affublée d'un signe négatif.
- Je ne comprends pas ...
- Tu as trouvé l'Ithaque en négatif, celle que tu veux fuir, et tous les courants t'y ramènent. Je me demande ce que tu as fait aux dieux.

Que faut-il que je fasse ? Je suis prête pour rompre cette malédiction, à toutes les alchimies. Je pactiserai sans la moindre hésitation avec tous les vents de ce monde, pour qu'ils érodent autour de moi toutes les pierres les plus friables ou les plus dures, schistes, calcaires et même granits de quoi les falaises sont faites, pour qu'ils déposent autour de moi, en lieu et place de ce cercle intime de craie qui vient de révéler sa faiblesse insigne, le tracé parfait du signe qui me protégera.

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