Clara et Hannah ouvrent leur blog, au printemps 2011 : l'écureuil du net ! à lire absolument !!!!
Merci à François Bon, qui a accueilli sur Publie.net les Carnets Lointains, et le Manuel anti-onirique.

dimanche 3 avril 2011

L'∞, 91

— On fait comment ?
— On suit. On suit le fil. On suit la ligne. On se repère aux étoiles, tiens !
— En plein jour ?

En fait ça n'a pas d'importance, tu poses trop de questions, tu n'arrêtes jamais de poser des questions, je les aime bien, tes questions, mais la réponse est toujours la même et elle est toujours aussi fausse, on ne sait jamais où on va, on ne sait jamais quels sont les desseins des dieux, ce qu'ils ont manigancé dans leurs cerveaux imbibés imprégnés des fumées circéennes, des paroles de la Pythie, des confusions des oracles, je crois qu'ils les prennent, eux aussi, et depuis le monde va de travers, le monde entier va de travers, tu t'en rends bien compte non ? Alors comme le monde entier va de côté, glisse, dérape, part sur des chemins de traverse, personne ne le rattrape, les dieux sont ivres, ils sont fous, ils sont enivrés des philtres circéens

— Que veux-tu faire ?
— Dériver ?
— Exactement.

Tu commences à comprendre. Enfin. Tu arrêtes de chercher. Partout. De t'épuiser. De courir dans toutes les directions, d'agiter les bras comme si tu te noyais. Tu t'arrêtes enfin. De toutes façons, ça ne sert à rien ! Enfin, tu viens de comprendre. Par moments j'ai pensé, je l'avoue, que tu ne comprendrais jamais. Après des siècles, et pas seulement des siècles, mais ne parlons pas de ça, je maîtrise parfaitement, et la dérive, et l'indifférence à tout, aux orages, comme aux nuages, aux éclipses, aux tempêtes, à toutes les éclipses, de lune de soleil, ça m'est égal, je passe, aux orages qui s'accumulent, au vent, à la colère des dieux, aux attaques, je les esquive, et puis voilà. Tu commences à comprendre.

— Dériver est la seule façon de trouver Ithaque.
— Il n'y en a pas d'autre ?
— Je n'en ai pas trouvé.

Entendu, j'essaie, je te suis, de toutes façons je n'ai pas le choix. Au point où j'en suis, je ne vois rien d'autre, moi non plus. Mes pas dans les tiens. Diastole systole. De toutes façons mon cœur ne bat pas très vite. Mais tous ces concepts, toutes ces constructions, la raison pure, la volonté, l'intentionnalité, l'agentivité, c'était parfait, ils sonnaient bien, qu'est-ce que j'en fais ? Je les abandonne sur le bord du chemin ? On part à la dérive, mais le prix à payer me paraît très élevé …

— Quel rythme ça a, de dériver ?
— Tu verras bien…

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire