- Vraiment je ne sais pas pourquoi je te suis.
- C'est toi qui as demandé à venir là ! Je t'avais prévenue.
- Je sais.
- Tu regrettes ?
- Non ! Non. Avance. Je te suis.
Je te suis parce que je suis toi. Le détour que tu fais pour rejoindre Ithaque, le long détour que les dieux dans leur colère t'imposent, il faut avouer que tu as tout fait pour les provoquer, tu ne peux pas dire le contraire, est le long détour que je fais pour rejoindre ma propre existence. Je n'en suis pas encore à m'enquérir d'Ithaque, quel que soit son nom, où qu'elle soit, quel que soit le lieu de mon lieu naturel, je n'en suis pas là, tout simplement le long détour que tu fais est celui-là même que je dois accomplir, alors je te suis, dans ce paysage lunaire, parce que je suis toi, Ulysse.
Tout de même, cet endroit est lunaire. Ce sol est bosselé dont les creux remplis d'eau arrêtent la marche. Je ne cesse de trébucher et de glisser dans l'eau glacée. Les flaques peu à peu se vident, et se vidant, se soulignent elles-mêmes de traits parallèles les uns aux autres, qui indiquent au fur et à mesure les stagnations de l'eau. Il parait clair que, quand le sol se sera vidé entièrement de son eau, il se remplira entièrement de nouveau, et ainsi de suite, infiniment, de sorte que mes pas s'effaceront et qu'il ne restera ici rien de moi que je connaisse déjà.
Il faut croire qu'ici les règles du jeu sont différentes. Il faut croire que tu les réinventes.
- C'est la lune, ici !
- Tu ne crois pas si bien dire ...
Cela devient sidéral. Sur le sable grège et humide, que le mouvement de l'eau a marqué de son passage, marée montante puis descendante séparées l'une de l'autre par une insensible immobilité, sont étalées des myriades d'étoiles flamboyantes. Rougeoyantes. Elles sont là, à même le sol, et ouvrent une palette de couleurs qui va du rose au pourpre, à l'orange, au violine, en passant par le rouge le plus sanglant. Myriades. Théories. Elles sont là à même le sol. J'ai failli marcher sur l'une d'elles, qui les précédait quelque peu. Violette et sombre. Et seule. Dont j'aurais dû comprendre qu'elle était le signe annonciateur de cette pluie stellaire et immobile.
- Je te suis.
- Tu es moi.
mercredi 20 avril 2011
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