- Tu crois que ça suffira ?
- Quoi ?
- Ce coin, ce levier, c'est presque rien ...
Pour une fois, c'est Ulysse qui pose les questions. J'écoute. Elles sont assises un peu plus loin, sur le port, mais le vent apporte leurs paroles, et les dépose dans ma conscience. Rires. Les branches des arbres ploient, palpitent, ploient, se redressent. Mistral. La place se jonche de débris. Brisures. Inclinaisons. Le cœur dans la poitrine exploserait. Mais le vent souffle. Il disperse, éparpille. L'espace se jonche de débris du monde.
Inclinaison. Se redressent. Hésitent sous le souffle des jours. Inventaires. De tout ce qui se mêle et s'entremêle. Des papiers, des emballages, bouteilles vides qui roulent et dévalent on ne sait où. Et des pétales. Des myriades de pétales. Inventaire de ce qui s'envole. Inventaire de ce qui se courbe. De ce que le vent courbe, fait ployer, tord. Et de ce qui claque. Les portes, les fenêtres. Ouverture, puis, dans le même temps, sur le même rythme, aussi sèche, fermeture.
Je devine dans le silence du monde, dans l'opacité de son ombre aveugle, que la main qu'il a tendue n'a pas eu le temps de la saisir, de la retenir. Détente. En un instant. De son bras. Pourtant la tension était extrême. Et sèche. Et bien visée. Mais c'est trop tard. Et le claquement explose dans le bruissement des secrets. Éclats de lumière.
Tournoiement. Le monde sur lui-même - emporte - dans son mouvement les débris de la matérialité un instant rassurante. Pétales, emballages, des feuilles d'une autre saison, sèches, journaux d'un autre jour que ce jour, emportés sans qu'ils le sachent, dans de complexes circonvolutions spatiales, pétales, une canette de coca light, un long ruban de plastique, pétales, éclats de pétales déchiquetés et embaumants : contre toute attente, le monde, de lui-même, se soulève et se gonfle comme une voile.
- Tu vois, ça suffit ...
Regarde. Regarde ce que peut accomplir un coin de possible enfoncé dans les strates étouffantes du monde. Enfoncé par nos phrases dans les strates étouffantes du monde. Regarde la perspective qui s'ouvre et dans laquelle s'engouffre le vent. Il tisse des possibles.
- Tu te souviens ?
- De quoi ?
- De l'odeur des collines au soir tombant, cette odeur du fenouil sauvage.
- Je ne pense qu'à ça, j'y pense sans cesse, je ne cesse plus d'en respirer l'odeur au creux de mes pensées.
mardi 12 avril 2011
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